«Funan»: «Mon film n'a pas vocation à être un documentaire mais un ressenti», explique Denis Do
PRIX•Denis Do fait revivre le Cambodge au cœur de la révolution khmère rouge dans «Funan», fresque animée en salle le 6 marsCaroline Vié
L'essentiel
- Dans Funan, Denis Do revient sur le calvaire subi par sa mère pendant quatre ans de domination khmère rouge.
- Ce film puissant touche profondément en brossant le portrait d’une femme courageuse à la recherche de son enfant.
- Il a reçu les grands prix des Festivals d’Annecy et de Los Angeles.
Denis Do est le premier surpris que Funan a remporté les grands prix des festivals d’animation d’Annecy et de Los Angeles. A l’origine, il avait pensé que cette fresque sur une mère courage pendant la révolution khmère rouge n’intéresserait personne en dehors de ses proches.
« J’ai d’abord écrit ce film pour moi et pour mes futurs enfants, confie-t-il à 20 Minutes. Pour qu’ils connaissent l’histoire de notre famille, qu’elle ne soit pas oubliée. » L’héroïne de son film n’est autre que sa propre mère qui a vécu quatre années de cauchemar à partir de 1975. Dans la lignée d’œuvre comme Persépolis et Valse avec Bachir, Funan montre l’Histoire à hauteur de femme et d’enfant.
Pas un documentaire
Le réalisateur, âgé de 34 ans, s’est rendu au Cambodge avec sa maman pour y rencontrer d’autres survivants qui, comme elle, ont vécu le génocide et ses atrocités. S’il s’est appuyé sur la réalité, Denis Do n’a pas hésité à la tordre pour le bien de la fiction.
« Il a fallu restructurer les récits pour les rendre clairs pour le spectateur, précise-t-il. Funan n’a pas vocation à être un documentaire mais un ressenti de ce qu’était cette période. » Le public suit le calvaire de cette femme séparée de son fils de trois ans. Elle est prête à tout pour le retrouver au cœur d’un régime brutal n’hésitant à pas à massacrer celles et ceux tentant de sortir du rang.
Le choix de l’animation
Le film montre sans fard le décalage soudain entre un jeune couple bourgeois et des militaires ivres de se sentir dotés de tous les pouvoirs. « J’ai choisi de traiter la violence hors champ, explique Denis Do. Cela me semblait plus fort de jouer sur le son que sur les images pour faire comprendre les horreurs qui se déroulent autour d’eux. »
L’animation était aussi une évidence pour le jeune cinéaste diplômé de l’école des Gobelins. « Je ne me voyais pas confier le rôle de ma mère à une comédienne », avoue-t-il. Bérénice Bejo et Louis Garrel prêtent leurs voix à la maman du réalisateur et à son premier mari en français.
Tout pour sa mère (mais pas que)
Denis Do prépare maintenant une version cambodgienne de son film. « J’aimerais que ma mère puisse le comprendre, reconnait-il, car, bien qu’elle vive en France depuis plus de 30 ans, elle ne maîtrise pas la langue. »
Le respect et l’amour du cinéaste pour elle affleurent dans ce très beau film qui dépasse son sujet pour toucher à l’universel. « C’est en réalisant Funan que j’ai compris que ce récit allait plus loin qu’un témoignage familial, qu’il pouvait faire écho auprès de quiconque a des parents et/ou des enfants », dit-il. C’est effectivement pour cela qu’il touche profondément.