«Black Panther» mérite de gagner l’Oscar du meilleur film (et pas que pour son aspect politique)
OSCARS•C'était tout simplement un des meilleurs films de l'année 2018.Anaïs Bordages
Film Marvel, histoire de superhéros, débauche d’effets spéciaux, succès record au box-office… A priori, Black Panther n’a pas le profil « respectable » d’un typique candidat aux Oscars, auxquels il a pourtant reçu 7 nominations, dont Meilleur film. Et si le film, avec un casting et une équipe majoritairement noirs, venait à remporter la plus haute récompense dimanche soir, on verra sans doute les ronchons se plaindre que « c’est juste pour promouvoir la diversité », que « c’est un Oscar politique », etc.
Mais le blockbuster de Ryan Coogler ne devrait pas être sous-estimé aussi facilement. Oui, prouver qu’un film afro-futuriste sur des personnages noirs peut faire recette, et peut gagner les prix les plus prestigieux de l’industrie, c’est important. Mais le film de Ryan Coogler, également réalisateur de Fruitvale Station et Creed, est aussi un accomplissement cinématographique de taille. Voici trois des raisons pour lesquelles Black Panther a tout à fait sa place dans la catégorie Meilleur film.
La création d’un univers tout entier
Ruth E. Carter, costumière connue pour ses collaborations avec Spike Lee et Steven Spielberg, a dû relever un immense défi pour Black Panther. Pour donner vie au pays fictif du Wakanda, elle a en effet dû créer tout un univers, qui se devait d’être futuriste (le Wakanda étant une nation à la pointe de la technologie) tout en rendant hommage à la diversité culturelle de la diaspora africaine.
Alors que les autres films nommés dans la catégorie Meilleurs costumes s’inspirent de périodes réelles, Black Panther a littéralement dû inventer une culture. Non seulement les looks du film, mêlant traditions ancestrales et technologie futuriste, sont sublimes, mais ils sont aussi uniques, et déjà cultes.
Un méchant complexe et touchant
Tout film de superhéros se doit d’avoir un méchant. Or, si on en a connu des fascinants, comme le Joker d’Heath Ledger, on a aussi eu droit ces dernières années à beaucoup de gros bonhommes violets qui veulent détruire l’univers. Dans Black Panther, Michael B. Jordan incarne Erik Killmonger, un jeune afro-américain ayant grandi à Oakland (lieu de naissance du Black Panther Party, et du réalisateur Ryan Coogler). Killmonger en veut notamment aux dirigeants du Wakanda d’avoir conservé leurs ressources dans un souci de protectionnisme, plutôt que de les utiliser dans le monde entier pour aider l’ensemble de la communauté noire, victime de racisme systémique. On a donc un méchant humain, qui tient un vrai discours politique, quoique radical.
En fait, Black Panther évoque volontairement l’opposition entre Martin Luther King et Malcom X, sans glorifier l’un ni diaboliser l’autre. Car, comme les figures historiques dont ils s’inspirent, Killmonger et T’Challa sont moins des ennemis que les deux facettes d’une même pièce. Et Killmonger, loin d’être un méchant caricatural, parvient même à nous émouvoir, si bien qu’on est presque tristes de le voir vaincu à la fin du film.
Des personnages féminins badass
Si tout le casting de Black Panther est excellent, le film fait la part belle aux femmes, qu’elles soient scientifiques, guerrières, reines ou diplomates. Il y a évidemment Shuri (Letitia Wright), la petite sœur brillante de T’Challa, qui est en charge de la technologie et des innovations au Wakanda. Mais aussi Okoye, incarnée par Danai Gurira, combattante féroce et si loyale qu’elle serait prête à tuer son propre époux pour défendre le Wakanda.
Sans oublier Angela Bassett, qui joue la reine mère, ou Lupita Nyong’o, qui joue une espionne courageuse et pleine d’empathie. A part La Favorite, aucun autre film nommé à l’Oscar du Meilleur film n’accorde une telle place à des personnages féminins aussi forts que nuancés.
Une réussite à tous les niveaux
Mais il ne s’agit là que de quelques éléments. Car, de la photographie aux décors époustouflants, en passant par le script, les performances d’acteurs et la réalisation de Ryan Coogler, Black Panther est juste une réussite à tous les niveaux. Un phénomène culturel indéniable, et un film spectaculaire et divertissant qui parvient aussi à mettre en avant de forts enjeux émotionnels et un discours politique complexe.
Oui, Black Panther est un des meilleurs films de l’année. Et même si on serait ravis de voir d’autres grands films comme Roma, La Favorite, ou BlackKklansman remporter l’Oscar du Meilleur film, Black Panther le mérite tout autant.