JAPONVIDEO. «Une affaire de famille» rattrapée par la réalité

VIDEO. «Une affaire de famille»: Kore-eda laisse son conte de fées se faire rattraper par la réalité

JAPONPalme d'or à Cannes, « Une affaire de famille » est un drôle de film, une fable sociale touchante et accessible à tous. En salle le 12 décembre.
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

L'essentiel

  • «Une affaire de famille » a remporté la Palme d’or lors du dernier Festival de Cannes.
  • Sous ses faux airs de conte familial drôle et touchant, le film est aussi une critique âpre et cruelle de la société japonaise.
  • Comme pour « Nobody Knows » en 2004, Hirokazu Kore-eda s’est inspiré d’une famille qui a fait la Une des journaux.

Un conte de Noël, Une affaire de famille ? Peut-être pas, mais on n’en est pas loin, tant ce drôle de film, léger et profond à la fois, se révèle tour à tour amusant, grave, touchant, injuste et bouleversant… Le dernier film du Japonais Hirokazu Kore-eda est plus sûrement une fable sociale nous renvoyant in fine à la réalité. Et sans doute la plus accessible des Palmes d’or de ces dernières années.

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Le titre ne ment pas. Il y a bien une « affaire ». Voire plusieurs. Et une « famille » aussi. Mais le spectateur n’est pas au bout de ses surprises en découvrant de quoi il retourne…

Il y a bien une affaire

L’« affaire » du titre est à la fois plus sérieuse et moins pénible qu’on imagine. Aucune dispute à attendre des membres de la « famille », saisis par leur rencontre avec une fillette maltraitée qu’ils vont adopter sans prévenir personne. L’affaire va devenir plurielle lorsque nos héros, qui peinent manifestement à joindre les deux bouts, survivent de vols à l’étalage entre autres petits larcins (et gros délits). Comme pour Nobody Knows, son premier film primé à Cannes, Kore-eda s’est inspiré d’une famille qui a fait la Une des journaux.

Il y a bien une famille

Les liens sont très forts entre Shibata Osamu (Lily Franky) et les siens. « Ce sont des gens qui, pour la plupart, ont déjà connu l’échec au sein d’une précédente famille et qui se retrouvent dans celle-là comme une seconde chance », confie le cinéaste qui excelle depuis toujours à traiter des liens familiaux qui se tendent, se détendent, et s’arrachent parfois. Dans Nobody Knows (2004) qui raconte la survie d’enfants en bas âge livrés à eux-mêmes dans un appartement. Ou dans Tel père, tel fils (2013) sur les conséquences d’un échange d’enfants à la maternité pour deux familles qui se retrouvent une quinzaine d’années plus tard avec l’idée de réparer l’erreur commise. Sans oublier Still Walking (2008) ou Notre petite sœur (2014) sur de très touchantes retrouvailles familiales. « Cette fois, j’ai eu envie de prendre de la distance avec mes précédents films et m’attarder sur les points de friction avec la société, explique Kore-eda. Au-delà des délits dont ils se rendent coupables, il y a les sentiments qui existent entre eux et que j’avais envie de dépeindre. »

Il y a aussi des petits criminels

« Certains enjeux de l’intrigue étaient en place dès le départ, ponctués de réflexions qui me traversent l’esprit depuis dix ans, et d’autres qui se sont développés après le casting », raconte le cinéaste pour justifier la place centrale accordée à l’homme qui tente d’assumer son rôle de père (remarquable Lily Franky) et, plus encore, à l’initiation criminelle d’un jeune garçon et d’une petite fille.

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Si le film mêle toutes les générations (jusqu’à l’actrice Kiki Kirin, décédée récemment), on s’intéresse surtout aux deux enfants, Miyu Sasaki et Kairi Jyo. La petite fille adoptée et le jeune voleur à l’étalage, son aîné. C’est pour eux que l’on tremble quand ils ouvrent des voitures ou dérobent de la nourriture dans les magasins. Pour les avoir croisés dans une rue à Cannes, je peux vous assurer qu’ils sont aussi craquants dans la réalité qu’à l’écran.

Et un fond de colère sociale

« C’est la colère qui, pour ce film, a été le sentiment moteur, qui m’a incité à adopter un point de vue plus large sur la société », explique Kore-eda. Enfance maltraitée, familles qui peinent à joindre les deux bouts, délinquance, violence sociale… Comme Satoshi Kon avant lui dans Tokyo Godfather (2003), sur le quotidien de SDF, ou Kiyoshi Kurosawa dans Tokyo Sonata (2008) sur un homme qui cache à ses proches la perte de son emploi, il y a chez Kore-eda l’idée que la famille est le vecteur idéal pour parler des tabous sociaux. Comment vivre un semblant de vie heureuse quand on est confiné en marge de la société ? C’est la question que pose cette ode à une vie en dehors des sentiers battus, que l’on n’a bien évidemment pas l’habitude de voir au Japon, un pays où la norme est la règle. Quand Une affaire de famille quitte la sphère de l’intime pour prendre une dimension plus sociale et politique, c’est là que les notions de justice et d’injustice pointent le bout de leur nez. Et c’est pour cette raison que la Palme d’or attribuée au film est apparue, comme 20 Minutes l’a écrit à l'époque à Cannes, « emblématique des choix d’un jury qui apprécie les êtres bien décidés à ne pas rentrer dans le rang ».