CINEMAQue valent les deux films sur l’attaque terroriste d’Utoya

«Un 22 juillet», «Utoya, 22 juillet»: Comment deux films racontent la même attaque terroriste

CINEMACe mercredi, un film sur les attaques terroristes survenues en Norvège en 2011 sort dans les salles françaises. En octobre, un autre long-métrage, sur le même événement, était mis en ligne sur Netflix. «20 Minutes» les compare…
Les affiches des films «Un 22 juillet» et «Utoya, 22 juillet».
Les affiches des films «Un 22 juillet» et «Utoya, 22 juillet».  - Netflix - Potemkine Films
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • «Un 22 juillet » de Paul Greengrass a été mis en ligne sur Netflix début octobre.
  • « Utoya, 22 juillet », est à l’affiche des cinémas en France dès le 12 décembre.
  • Ces deux longs-métrages traitent, chacun à leur manière, des attentats perpétrés par Anders Behring Breivik en Norvège en 2011.

Cet article, publié le 10 octobre 2018, lors de la mise en ligne d'Un 22 juillet, a été mis à jour le 11 décembre 2018, à l'occasion de la sortie au cinéma d'Utoya, 22 juillet. Les mineures modifications apportées concernent exclusivement l'expression de la temporalité de la sortie de ces films et non le fond de l'article.

Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik, un terroriste d’extrême droite pose une bombe à Oslo (Norvège). L’explosion fait huit morts et quinze blessés. Breivik se rend ensuite sur l'île d'Utoya où sont réunis, pour un camp d’été, des membres d’une organisation de jeunesse liée au Parti travailliste norvégien, le principal parti de gauche, alors au pouvoir. En se faisant passer pour un policier, il ouvre le feu sur les adolescents et les adultes qui les encadrent : il tue ainsi 69 personnes et en blesse 33 autres. C’est cet événement tragique que retracent deux films sortis à deux mois d’écart. Le premier, Un 22 juillet de Paul Greengrass, est disponible sur Netflix depuis octobre. Le second, Utoya, 22 juillet d’Erik Poppe, distribué par Potemkine Films, sort ce mercredi. Deux longs-métrages et deux approches bien différentes d’un même événement. Quels sont les forces et les faiblesses de chacun ? 20 Minutes effectue la comparaison.

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  • Les réalisateurs

Un 22 juillet est réalisé par le Britannique Paul Greengrass, qui a signé trois volets de la saga Jason Bourne. On lui doit aussi plusieurs films retraçant des faits réels tels que Bloody Sunday, sur la fusillade du 30 janvier 1972 dans la ville irlandaise de Derry, ou Vol 93 sur l’attitude héroïque des passagers d’un avion détourné lors des attentats du 11-Septembre.

Utoya, 22 juillet est un film d’Erik Poppe, un réalisateur norvégien qui a une demi-douzaine de longs-métrages à son actif, dont aucun n’a été véritablement remarqué en France. Son précédent, L’Epreuve, avec Juliette Binoche au casting, a enregistré 70.000 entrées dans l’Hexagone.

  • Le(s) point(s) de vue

Un 22 juillet retrace, en cent quarante-trois minutes l’avant, le pendant et l’après des attaques d’Oslo et Utoya. Le scénario, inspiré du livre One of Us d’Åsne Seierstad, suit la trajectoire d’une victime (le jeune Viljiar, qui existe réellement), du terroriste Anders Breivik mais aussi de son avocat ou du Premier ministre norvégien de l’époque Jens Stoltenberg. Comme on le voit dans le film, quelques heures après les attaques, ce dernier avait déclaré : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de vivre ensemble. » L’ensemble ressemble à une fiche Wikipédia, mais le spectateur a une vue d’ensemble de l’événement et de ses conséquences.

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Utoya, 22 juillet consiste un seul et unique plan séquence de 93 minutes se déroulant lors de l’intégralité de l’attaque sur l’île. La caméra à l’épaule suit l’héroïne principale, Kaja, une adolescente qui, tout en essayant de survivre recherche sa petite sœur dont elle a perdu la trace dans le mouvement de panique. Les personnages qui apparaissent à l’écran sont fictifs, mais ont été imaginés à partir des témoignages de victimes qu’Erik Poppe a rencontrées. Le point de vue unique est un parti pris fort : il ne montre que ce que les adolescents ont pu voir. Résultat : il ne donne qu’une vision partielle des faits et montre surtout la confusion et l’incompréhension qui régnaient.

  • La représentation d’Anders Behring Breivik

Dans Un 22 juillet, Anders Behring Breivik est joué par le comédien norvégien Anders Danielsen Lie, star d’Oslo, 31 août, qui a tourné dans plusieurs films français ces dernières années : Ce sentiment de l’été, Personal Shopper ou encore La Nuit a dévoré le monde, sorti en mars. La douceur qui émane de l’acteur contraste avec l’idéologie haineuse du terroriste qu’il incarne et qui est explicitement évoquée dans le film.

Dans Utoya, 22 juillet, Anders Behring Breivik n’apparaît que de manière fugace à l’écran. C’est à peine si l’on aperçoit sa silhouette - et encore, le spectateur peut douter qu’il s’agisse de lui. La présence fantomatique du terroriste s’explique aisément par le fait que le film suit l’une des adolescentes qui essaie de lui échapper et donc de se tenir le plus éloignée possible de lui. A la fin du film, un carton évoque l’idéologie d’extrême droite de Breivik.

  • Le sensationnalisme

Avec Vol 93 et, surtout, Bloody Sunday, Paul Greengrass avait raconté deux événements tragiques de manière percutante. Les deux films avaient un aspect quasi-documentaire et plongeaient véritablement le spectateur au cœur de l’action. Dans Un 22 juillet, le déroulement des attaques terroristes perpétrées à Oslo et Utoya représentent à peine trente des cent quarante trois minutes de film. Le réalisateur s’intéresse davantage à l’après : le procès de Breivik et ce que deviennent les victimes. Si, a priori, l’ensemble se veut factuel, le sensationnalisme n’est pas toujours évité : l’ajout de musiques additionnelles ou les brefs flash-back censés représenter le stress post-traumatique ne sont en rien subtils. Cet aspect gros sabot peut gêner.

Utoya, 22 juillet met d’emblée, par une intelligente pirouette, le spectateur face à son voyeurisme et sous-entend que ce n’est pas en voyant ce film qu’il va comprendre ce qui dépasse l’entendement. L’expérience immersive induite par la caméra portée à l’épaule, subjective, est presque un personnage en soi ne ménage pas le public. Le tour de force technique s’avère parfaitement compatible avec le respect envers les victimes. Le réalisateur a travaillé en étroite relation avec des survivants de l’attaque. Le plan séquence n’est pas qu’un exercice de style, il est en soi un moyen de témoigner du respect à ceux qui ont vécu l’attentat car, choisir de couper tel ou tel passage où l’action se calme reviendrait à dire qu’il y a des moments plus « intéressants » que d’autres, à ne retenir que le plus spectaculaire.

  • Verdict

L’auteur de ces lignes a une préférence pour Utoya, 22 juillet qui parvient à raconter l’horreur vertigineuse du massacre tout en témoignant un respect constant aux victimes réelles. Sur le plan cinématographique, c’est également le plus intéressant. Mais pour avoir la meilleure vue d’ensemble sur les événements, les tenants et aboutissants de ce jour qui a endeuillé la Norvège, Un 22 juillet est le plus exhaustif. Il est aussi le plus grand public. Les deux films sont radicalement différents l’un de l’autre et peuvent donc être vus sans avoir l’impression d’une redite. Complémentaires, ils font plus (Utoya, 22 juillet) ou moins (Un 22 juillet) figure de manifestes à une époque marquée par la montée des populismes et des extrémismes en Europe.