Parité: «Il existe un écart de salaire de 42% entre réalisateurs et réalisatrices, l'argent est un enjeu majeur»
INTERVIEW•La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a annoncé jeudi la mise en place d’un bonus de 15 % dans les subventions pour les films jugés « exemplaires en matière de parité »…Propos recueillis par Hélène Sergent
L'essentiel
- En France, les réalisatrices sont payées 42 % de moins en moyenne que leurs confrères masculins.
- Le bonus, proposé jeudi par la ministre de la Culture, reposera sur un système de barème à huit points.
- Il pourra être attribué aux films dont les équipes ont des femmes à des postes clés.
En France, les femmes réalisatrices gagnent en moyenne 42 % de moins que leurs homologues masculins. Un écart de salaires immense qui représente aujourd’hui l’un des enjeux majeurs en matière de parité dans le milieu du cinéma. Ce jeudi, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen a annoncé la mise en place de plusieurs mesures en ce sens à l’occasion des « assises sur la parité, l’Egalité et la diversité ».
En 2019, un bonus de 15 % dans les subventions pour les films « exemplaires en matière de parité » hommes-femmes sera notamment mis en place. Un « premier pas important » et « nécessaire » selon Brigitte Rollet, spécialiste du cinéma et de la télévision.
La ministre a annoncé hier la mise en place en 2019 d’un bonus de 15 % de subventions reposant sur un barème de huit points en fonction de la représentation des femmes dans les équipes des films. Que pensez-vous de ce dispositif ?
Ce n’est évidemment pas la seule mesure annoncée mais celle-ci vise un point essentiel : celui du financement des films. Quand on sait qu’il existe un écart de 42 % entre les rémunérations des réalisateurs et réalisatrices, on comprend bien que l’argent est un enjeu majeur. On sait aussi que les budgets attribués aux films réalisés par des femmes sont encore bien inférieurs à ceux faits par des hommes.
Les pouvoirs publics se sont interrogés : Faut-il proposer des mesures de soutien, être dans l’incitatif ou dans le punitif ? En proposant ces 15 % d’aides supplémentaires, c’est selon moi un premier pas important qui va dans la bonne direction. Cela n’empêche pas que d’autres mesures puissent être envisagées pour encourager. Les chiffres en matière de parité dans le milieu du cinéma prouvent que cette question mérite qu’on s’y attarde. Il faut bien commencer par quelque chose et cette mesure s’ancre enfin dans du concret.
On constate aussi une sous-représentation des femmes dans les métiers dits plus « techniques » du cinéma, comment l’expliquer ?
Lors de ces assises, il a été dit qu’à l’école Louis Lumière [qui forme aux métiers du cinéma], les femmes ne représentaient que 6 % des effectifs de la filière « Son ». On n’a jamais valorisé les femmes qui voulaient être ingénieur du son et les métiers dans le cinéma sont encore extrêmement genrés. Il faut donner à voir ces pourcentages de femmes qui font ces métiers-là, il faut les rendre visibles et ce dès la formation. En proposant par exemple des rétrospectives de films photographiés par des femmes comme Agnes Godard ou en diversifiant les intervenants et les œuvres étudiées dans les écoles de cinéma.
Quelles initiatives existent à l’étranger ?
La France est très très en retard sur ce sujet. Aujourd’hui, le modèle suédois fait figure d’exemple*. Le collectif 5050x2020 en France, qui promeut la parité dans le cinéma à horizon 2020, s’inspire directement d’un collectif suédois mis en place par la directrice du Swedish Film Institute développé il y a quelques années. Si pour l’instant les initiatives se concentrent essentiellement sur les acteurs publics du cinéma, il ne faut pas négliger les financeurs privés, on peut aussi les encourager à faire mieux.
*Selon l’étude annuelle Le Lab-Femmes de cinéma publiée mi-septembre, à partir de données de 1.462 films dans 30 pays, la Suède a vu la part de réalisatrices passer de 16,7 % en 2012 à 36,1 % en 2017.