VIDEO. «Des femmes ont mis leur intimité sur la place publique pour le bien de toutes»
INTERVIEW•La comédienne Cécile de France parle de son personnage de femme bafouée qui se venge d'Edouard Baer dans « Mademoiselle de Joncquières »…Caroline Vié
L'essentiel
- Emmanuel Mouret porte à l’écran l’œuvre indémodable de Diderot.
- Cécile de France y incarne une femme résolue à se venger de son amant inconstant.
- C’est Edouard Baer qui joue le dandy qu’elle prend au piège.
Elle, c’est Madame de la Pommeraye. Lui, c’est le marquis des Arcis. Cécile de France ne se laisse pas faire par Edouard Baer dans Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret. Elle se venge cruellement de cet homme qui s’est lassé d’elle après l’avoir séduite et prouve par la même occasion que l’œuvre de Denis Diderot (1713-1784) est d’une modernité imparable dans sa façon de décrire les rapports amoureux.
La femme bafouée manipule le Dom Juan pour le faire tomber amoureux d’une ancienne prostituée à la beauté insolente (Alice Isaaz). Elle va ensuite payer la jeune femme pour qu’elle se refuse à cet amant inconstant. La belle Cécile de France appuie l’ambiguïté d’un personnage qu’on ne peut se résoudre ni à aimer totalement, ni à haïr tout à fait. Pour 20 Minutes, la comédienne revient sur ce rôle qui ne lui ressemble pas, mais parle aussi d’amour, de corsets et de féminisme.
Pensez-vous que tout soit permis en amour ?
Vraiment pas. Madame de la Pommeraye fait beaucoup de dégâts autour d’elle pour se venger. Son esprit retors ne me correspond en rien. Je ne juge pas, car je peux comprendre sa douleur, mais sa psychologie n’a rien de commun avec la mienne.
Etes-vous choquée par son manque de solidarité féminine ?
Elle implique deux femmes qui ne sont pour rien dans ses malheurs. Elle se montre d’une cruauté inouïe pour une jeune fille et sa mère désargentées qu’elle manipule sans merci. Il faut dire que les femmes n’avaient pas beaucoup de choix à cette époque. Si elle avait été un homme, elle aurait provoqué le traître en duel.
Trouvez-vous le film féministe ?
Il l’est dans le sens où il montre une femme qui ne se résout pas à être mise de côté. Son comportement est discutable mais il est dicté par une société qui cantonne les femmes dans des rôles très réducteurs. Les corsets qu’elles portaient le symbolisent parfaitement : on ne peut pas respirer là-dedans. J’ai été ravie d’essayer ces tenues, mais je préfère m’habiller avec les vêtements de notre époque.
Edouard Baer a-t-il souffert autant que vous ?
Edouard semblait être né pour porter ces vêtements et dire ces dialogues ! Il a un côté dandy qui correspond totalement à son rôle, mais nous avons pris des cours de maintien pour avoir l’air naturel dans nos costumes. Les hommes sont cependant mieux lotis que les femmes dans ce domaine du point de vue pratique.
Les choses sont-elles si différentes aujourd’hui ?
Bien sûr, les femmes sont plus libres mais elles connaissent toujours des contraintes comme l’épilation. Je ne me verrais pas sur un tapis rouge avec du poil sur les jambes. Cela ferait scandale ce qui démontre qu’il y a encore des barrières à franchir. On n’en a pas fini avec la lutte pour nos libertés.
Le mouvement #MeToo fait-il bouger les choses selon vous ?
Les mentalités changent : c’est certain. Je suis très admirative devant les femmes qui ont parlé. Elles ont mis leur intimité sur la place publique pour le bien de toutes les femmes. Je tiens tant à protéger ma vie privée que je suis bluffée par leur bravoure. Et je suis optimiste pour l’avenir.