«The Tale»: «Les abus sexuels sur un enfant sont moins douloureux à regarder chez soi»
DEAUVILLE 2018•L'Américaine Jennifer Fox a choisi la télévision (en France OCS City, ce samedi) pour une plus large diffusion de son film sur les abus sexuels qu'elle a subi dans son enfance…De notre envoyée spéciale à Deauville, Caroline Vié
L'essentiel
- Jennifer Fox a écrit et réalisé ce téléfilm sur l’expérience sexuelle traumatisante qu’elle a vécue à l’âge de 13 ans.
- La cinéaste a choisi Laura Dern et Isabelle Nélisse pour jouer son rôle à différents âges.
- « The Tale » est diffusé le 8 septembre à 23h10 sur OCS City.
The Tale de Jennifer Fox a agi comme un électrochoc sur les festivaliers deauvillais. Deux psychologues ont même été recrutés pour recevoir les confidences de spectateurs qui pourraient être traumatisés par ce film sur une gamine de 13 ans victime d’abus sexuels.
« Personne n’est venu leur parler à l’issue de la projection, mais j’ai trouvé important qu’ils soient là, explique la réalisatrice à 20 Minutes. Aux Etats-Unis, le public a réagi de façon très vive car j’aborde un sujet tabou. Beaucoup de gens se sont reconnus dans mon histoire. » Jennifer Fox sait de quoi elle parle : la gamine abusée par son professeur d’équitation avec la complicité de l’épouse de ce dernier, c’est elle !
Une fiction pour parler de la réalité
« J’ai pris sur moi de révéler que c’était mon histoire pour que les gens ne pensent pas qu’il s’agit d’une pure invention : j’avais peur qu’on ne me croie pas. » La fiction a semblé immédiatement naturelle à la documentariste de 58 ans. « Raconter ses mémoires, c’est courant dans la littérature, précise-t-elle. J’ai essayé de faire la même chose au cinéma. » Elle a sélectionné Laura Dern pour l’incarner sous sa forme adulte et Isabelle Nélisse pour l’interpréter quand elle est plus jeune. « Toutes deux ont embrassé le sujet avec un courage et une colère remarquables ! », se souvient-elle.
Du sexe graphique pour dénoncer
Jennifer Fox n’a pas craint de montrer les séquences sexuelles (ou des comédiennes adultes remplacent l’adolescente pour les plans graphiques). « Il était indispensable de voir ces scènes avec la fillette pour qu’on comprenne ce que j’ai subi. Je n’aurais pas fait le film si j’avais dû les couper », martèle-t-elle. Les mouvements Time's Up et #MeToo sont arrivés à point nommé pour lancer The Tale. « L’accueil chaleureux que nous avons reçu à Sundance en janvier dernier a certainement été influencé par ces changements. Le public était prêt à m’écouter », reconnait-elle.
Pas une partie de plaisir
En France, le film est diffusé le samedi 8 septembre sur OCS City à 23h10. Entre-temps, il aura peut-être reçu un prix au Festival de Deauville. « Ce qui importe est qu’il soit vu par le plus grand nombre pour aider la parole à se libérer encore davantage, insiste Jennifer Fox. C’est pour cela que j’ai choisi la télévision comme support plutôt que les salles de cinéma : il est moins douloureux de le regarder chez soi. » The Tale, expérience intense, a le mérite de lever de donner la parole à une victime qui a décidé de ne plus l’être. Cela mérite le respect.
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