RUGBYFrance-Irlande: Comment les Bleus nous font croire qu’ils peuvent gagner

France-Irlande: Comment les Bleus nous font croire qu’ils peuvent gagner (alors que tout indique le contraire)

RUGBYLes Bleus entament leur premier tournoi des VI Nations avec Jacques Brunel...
Julien Laloye

Julien Laloye

L'essentiel

  • L'équipe de France affronte l'Irlande sans aucunes certitudes en ouverture du tournoi des VI Nations.
  • Le discours en interne se veut très positif en dépit du déséquilibre évident de l'affiche.

Routine fascinante à Marcoussis. En dépit de la médiocrité confondante de l’équipe de France et des inquiétudes de plus en plus menaçantes suscitées par la gestion fédérale des derniers mois, laquelle a quand même abouti à une perquisition au centre national du rugby français en pleine préparation de ses internationaux, on fait encore comme si le XV de France n’allait pas se faire sabrer en petits morceaux de chair humaine par l’Irlande en ouverture du tournoi des VI Nations. La troisième meilleure nation mondiale contre la neuvième, étant entendu qu’il doit y avoir dix pays qui jouent sérieusement à ce jeu dans le monde.

Remarquez que c’est faisable. Même l’infâme Guy Novès, l’immonde Guy Novès, le fossoyeur Guy Novès, premier sélectionneur de l’histoire des Bleus à se faire lourder en cours de mandat, y était parvenu en 2016, lors de sa première année de règne. Une toute petite victoire qui n’avait débouché sur rien de concret. Pareil « exploit » semble totalement impossible deux ans après, sauf pour les joueurs, à qui on ne va pas reprocher d’y croire plus que nous. Mais les ressorts activés ces derniers jours chez les Bleus, entre scénarisation des rapports avec le staff et appels surannés aux valeurs de combat, nous font sérieusement douter de la fin du bal. Jugez plutôt.

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Le mythe du nouveau coach à l’écoute >> LOL

Petite confidence anonyme d’un joueur du groupe piquée dans l’Equipe pour vous planter un peu le décor. « Pas besoin de demander l’autorisation pour aller acheter un tube de dentifrice au supermarché d’à côté comme c’était le cas avant. Nous sommes des adultes et traités comme d’autres ». L’histoire telle qu’on nous la vend : D’un côté le garde-chiourme Guy Novès, souriant comme un gardien de prison, et ces semaines horribles passées à « Marcatraz » à devoir se plier à un service militaire déguisé sans possibilité d’évasion. De l’autre , le sémillant Jacques Brunel et sa moustache de grand-père idéal toujours partant pour apprendre à sa marmaille à monter un piège à guêpe ou à récupérer de l’eau de pluie. Tellement gros que c’en est fabuleux. Comme si Novès inhibait les joueurs au point de les empêcher de faire une passe correcte à deux mètres.

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« Jacques et sa bonne humeur », « un manager axé sur l’humain, proche de nous individuellement », « un homme profondément chaleureux », on en passe des meilleurs. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas vrai, juste que ça ne fait pas gagner un match de rugby, pas plus que la soi-disant révolution de faire participer les joueurs au fameux plan de jeu. On résume : le staff a divisé l’effectif en sous-groupes chargés d’identifier les faiblesses du jeu irlandais pour samedi et de proposer des pistes de travail. Exemple avec Sébastien Vahaamahina, concerné par la mêlée :

« « En scrutant les vidéos, on s’est aperçu petit à petit que les Irlandais avaient une façon de défendre particulière et qu’on devait les attaquer d’une certaine façon. Et c’est sur cette base qu’on a développé une stratégie commune. Pour ma part, j’ai aimé cette approche et j’ai le sentiment d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice. » »

Incroyable que personne n’y ait pensé plus tôt. Ah, attendez. On nous dit que si. Maxime Machenaud, demi de mêlée du Racing : «C’est bien qu’il y ait ce côté participatif mais ce n’est pas nouveau. En club on le fait beaucoup, tous les matchs sont filmés, L’analyse de l’adversaire fait partie de la préparation individuelle. Il y a des groupes de leaders de jeu qui discutent de la semaine et du match. J’ai déjà connu ça en équipe de France ». Chuuuuut Maxime, on est censés faire croire que c’est du jamais vu.

Le mythe des « ingrédients » qui se suffisent à eux-mêmes >> MAIS BIEN SÛR

Peut-être le lieu commun le plus éculé de l’histoire du rugby après ces satanées « valeurs » brandies à tout bout de champs. Les « ingrédients » qu’il faut mettre sur un terrain pour espérer. En gros : envoyer des bourre-pifs pendant 80 minutes, plaquer au niveau de la carotide, rentrer dans les rucks comme dans une piscine à bulles, charger l’adversaire au niveau des bijoux de famille et dézinguer à la scie sauteuse tout ce qui franchit la ligne d’avantage. Bref, le discours ambitieux d’un coach de Fédérale 3 avant le derby du week-end dans le Tarn. Ne rigolez pas, c’est ce qui nous attend au Stade de France.

« Maxime Machenaud : « Bien sûr on peut proposer des choses simples si on les fait à la perfection. Après c’est ce qu’on va mettre dedans qui compte. Si on n’avance pas à l’impact et qu’on perd les duels, si on n’est pas assez agressifs au contact, on ne mettra rien en place. Ce sera des choses simples, parce que c’est difficile de mettre en place des passes en pivots et des redoublements qui demandent du timing. » »

On ne va pas en vouloir au nouveau manager du XV de France de ne pas avoir demandé des combinaisons de polytechnique à ses troupes après dix jours de vie commune. Mais penser un seul instant qu’on va réussir à taper l’un des collectifs les plus huilés de la planète en montant des chandelles et en mettant de l’impact au ras des regroupements, c’est une idée qui appartient à des temps oubliés, un peu comme la divine époque où on était capables de se farcir les Blacks « à l’orgueil » juste parce qu’on était vexés de la rouste de la veille.

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En parlant de Blacks, la vie nous commande d’être honnête : les Bleus ont peut-être joué leur meilleur match de l’année 2017 en alignant des coiffeurs qui avaient dû s’entraîner deux fois ensemble avant de se frotter à la prometteuse réserve néo-zélandaise. Marco Tauleigne en était : « Ce match, on l’avait quand même préparé un petit peu. Mais c’est la preuve que quand on met un peu d’envie et de motivation, parfois il n’en faut pas plus pour gagner des matchs. »

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On repense à ce mythe fondateur de l’ère Laporte-sélectionneur, un test remporté haut la main en Afrique du Sud avec un système de jeu qui tenait sur une feuille A4 sans le verso. On veut bien s’engager à mastiquer notre article sur une même feuille A4 si pareil coup d’esbroufe marche encore en 2018.

Le mythe de l’homme providentiel >> COMME C’EST ORIGINAL

Un jour, on écrira un roman sur le sujet, aux éditions « vieux marronnier ». Du haut de notre petite expérience, on en a vu passer à la file des Marvin Martin de l’ovalie ringardisés du jour au lendemain. Regardez Baptiste Serin, icône absolue en novembre 2016 et bon à rien un an plus tard. Cela n’exclut pas la resucée, cela dit : Morgan Parra qui a eu droit à son premier tour de char… en 2008, était guetté comme la solution à tous les problèmes du rugby français il y a encore dix jours avant de laisser le sceptre de la pression à Maxime Machenaud, lui-même en attente d’un retour de hype depuis la tournée d’automne 2012.

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Cette fois, le destin de la glorieuse nation française tient dans les petites mains adolescentes de Matthieu Jalibert, l’ouvreur de l’UBB, l’ancien club de Brunel. Dix-neuf piges à peine et une poignée de matchs à Top 14, mais il paraît que Matt Damon est déjà sur le coup pour un biopic. Le gamin coche toutes les cases du jeune-prodige-comme-Michalak-à-l’époque-mais-en-mieux-vous-verrez

  • Une formation atypique. « Il n’a pas suivi la filière dite classique, il n’a pas fait de pôle France ou Espoirs. Il a plutôt un parcours de rugbyman amateur » ; explique David Ortiz, l’un de ses formateurs. Garanti 100 % prise d’initiatives hors-cadre, donc.
  • Un bagage intello à la Romain Bardet. Le garçon, qui a toujours eu un an d’avance, prépare un Bachelor en commerce international après une licence de Staps. Garanti 100 % potentiel prochaine cible publicitaire de la ménagère de moins de 50 ans.
  • Un joueur anglo-saxon qui croit en lui. Ben Kay, sur le plateau d’une émission britannique tout récemment, après un match entre Newcastle et l’UBB : « Ce sont les 40 minutes les plus excitantes que j’ai jamais vu de la part d’un aussi jeune joueur. Cela pourrait être la prochaine star du XV de France s’il parvient à jouer son jeu au niveau international ». Garanti 100 % Jonny Wilkinson.

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Dingue. On jurerait avoir écrit la même chose sur une tripotée de joueurs :

  • Thomas Casaignède
  • Frédéric Michalak
  • François Gelez
  • Lionel Beauxis
  • Jules Plisson
  • Anthony Belleau

Sans doute qu’on écrit beaucoup trop de bêtises. Sans doute aussi que cette manie de vouloir dénicher absolument un génie absolu ne rend service à personne, et surtout pas aux intéressés ou à l’équipe de France. Envoyer Jalibert au front avec une équipe pleine d’incertitudes contre l’Irlande ressemble au meilleur moyen de ficher en l’air sa carrière avant qu’elle n’ait commencé. Mais le rugby français n’est pas à un gâchis près, récemment.