Non, les violences volontaires n’ont pas explosé en France ces 20 dernières années
Fake off•Un compte X affirme que les violences volontaires auraient quintuplé en France depuis 1996Camille Poher
L'essentiel
- Sur X, un homme se présentant comme un « data analyst » de la « démographie, la criminalité et l’économie » en France, affirme que le « nombre de coups et blessures volontaires » aurait été multiplié par cinq depuis 1996.
- Il assure que le graphique qu’il publie dans son post s’appuie sur les chiffres du ministère de l’Intérieur qui dépeignent un certain « ensauvagement » du pays.
- En plus d’afficher des chiffres très approximatifs, l’interprétation de ces derniers semble pervertie par l’opinion politique de l’administrateur de ce compte X.
Depuis fin avril, tourne sur X, une série de 12 infographies relatant, selon son auteur, « l’explosion des violences » observée en France et en Europe. L'un des graphiques affirme notamment que « le nombre de coups et blessures volontaires » aurait ainsi quintuplé depuis 1996. Un post largement relayé sur les réseaux sociaux depuis sa publication surfant sur la notion d’insécurité, écueil quasi inévitable en période d’élections politiques.
Reste que derrière le compte à l’origine de cette série d’infographies, on retrouve un certain Marc Vanguard. Ce dernier se définit comme un « data analyst » qui publie sur son compte, suivi par près de 53.000 abonnés, des statistiques sur les thématiques de la démographie, de la criminalité et de l’économie. En scrollant son compte X, on constate rapidement que Marc Vanguard fait corréler de façon quasi-systématique les chiffres sur la criminalité et ceux sur l’immigration.
« Surreprésentations des étrangers dans les viols conjugaux », « immigrations et étrangers » ou « taux d’incarcération des Algériens en France », le « data analyst » semble avoir des données de prédilection pour documenter la délinquance sur le territoire tricolore... Il faut d'ailleurs souligner que Marc Vanguard est aussi régulièrement cité à l’antenne de CNews ou directement par Marion Maréchal, lors de ses prises de parole télévisée.
Fake Off
Avant toute chose il est important de définir ce que sont des « coups et blessures volontaires ». Selon le ministère de l’Intérieur, il s’agit « des violences, physiques ou psychologiques, infligées de manière intentionnelle à une personne, par un individu qui cherche délibérément à blesser sa victime ».
Après vérification, les chiffres avancés par Marc Vanguard sur le graphique sont issus des bilans statistiques annuels sur l’insécurité et la délinquance en France, directement publié par le ministère de l’Intérieur et des Outremers. Première constatation du service Fake Off de 20 Minutes : l’approximation de ces données. Par exemple, alors que le ministère annonce 306.700 dépôts de plaintes en 2021, le graphique de Marc Vanguard en affiche 312.000. Autre exemple, en 2022 alors que 353.600 plaintes ont été officiellement recensées, ce sont 359.000 plaintes qui sont annoncées, soit 5.400 plaintes rajoutées au compteur.
L’autre problème avec ces statistiques est que les données du ministère de l’Intérieur ne mesurent pas la délinquance en tant que telle, mais plutôt l’activité des services de sécurité via le nombre de plaintes déposées. Et c’est précisément sur ce point que l’on entre dans l’interprétation des données. « Il est essentiel de préciser que ses chiffres sont ceux enregistrés par les forces de police ou de gendarmerie », explique d’entrée de jeu, Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Cesdip, le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. « Or ces derniers peuvent varier ou être influencés en fonction de facteurs complètement étrangers à la hausse ou à la baisse des faits commis. »
Des violences volontaires toujours difficiles à objectiver
Pour étayer son propos, Mathieu Zagrodzki prend l’exemple des violences intrafamiliales : « pendant des années les violences conjugales ont bien malheureusement été considérées comme normales, mais aujourd’hui les perceptions ont changé tout comme la loi et ce sont des infractions pénales. » La hausse des violences depuis les années 1990, peut également être due à l’évolution des pratiques dans les commissariats de police et de gendarmerie. « Avant un agent pouvait estimer que trois claques dans une bagarre de rue ne valait pas un dépôt de plainte et ainsi dissuader la victime d’aller plus loin, constate l’expert auprès de 20 Minutes. Aujourd’hui ces mêmes agents sont sommés par leur hiérarchie d’enregistrer toutes les plaintes. »
Bien que notre expert admette que le système est loin aujourd'hui d’être parfait, il constate malgré tout que les mœurs ont également changé dans les bureaux de police : « le droit des victimes est de plus en plus reconnu tandis que l’appréciation des violences par les forces de l’ordre, beaucoup mois. »
Tous les articles de la rubrique Fake OffSi le chercheur du Cesdip admet qu’il y a une grande propension des victimes à porter plainte toute des policiers à enregistrer ses dernières, Mathieu Zagrodzki reconnaît cependant que les violences volontaires restent toujours difficiles à objectiver statistiquement : « il y a plusieurs centaines de milliers de cas par an, il est donc très difficile de tous les analyser. » S’il se refuse à céder au catastrophisme quant à la soi-disant explosion de la violence en France, Mathieu Zagrodzki tient tout de même à ne pas tomber dans le relativisme. « Chaque cas de violence est toujours un cas de trop », conclut l’expert.