Non, on ne rate pas sa mayonnaise quand on a ses règles
Fake OFF•Selon une légende urbaine, les femmes menstruées ne pourraient pas faire monter une mayonnaise. Eh bien, c'est faux. Tout comme la légende qui veut qu'on rate notre sauce gribiche ou notre beurre blanc pendant un rhumeCamille Poher
L'essentiel
- Qui n’a jamais entendu que les femmes menstruées n’étaient pas capables de faire monter une mayonnaise ?
- Une légende urbaine plutôt saugrenue qui participe pourtant aux nombreux tabous qui entourent les règles et la stigmatisation des femmes durant cette période.
- Et breaking news : cycle menstruel et sauce à base d’huile et de jaune d’œuf n’ont pas de lien de cause à effet.
Ce mardi c’est la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle. L’occasion de revenir sur une idée reçue qui – bien qu’absurde sur le plan physiologique – a la dent dure : les personnes menstruées ne pourraient pas réussir leur mayonnaise.
Si on part d’une moyenne d’environ 30 années sur lesquelles une personne connaît près de 450 cycles menstruels, on arrive donc à plus de 2.000 jours saignés tout au long d’une vie. Et c’est autant de tentatives d’œufs mimosa qui tombent à plat.
Aux origines du mythe
Difficile de retracer le point de départ exact de cette croyance qui, comme la plupart des légendes urbaines, a de multiples sources. En remontant le fil de la fake news tout porte à croire qu’elle prend plutôt racines dans les religions.
Le pluriel est important ici puisque dans chacune de nos trois religions monothéistes, les menstrues n’ont pas la cote. Vues comme « impures » par la plupart des textes saints, les femmes pendant leurs règles sont systématiquement stigmatisées et mises à l’écart de la société.
Sacrés textes
On lit notamment dans le livre du Lévitique, chapitre XV verset 19 que « la femme qui aura un flux de sang en sa chair, restera sept jours dans son impureté » et on prodigue également le conseille suivant aux hommes dans le Coran, Sourate 2 verset 222 : « Éloignez-vous donc des femmes pendant les menstrues, et ne les approchez que quand elles sont pures. »
Pour le passage en cuisine, tout est plus flou. Ce que l’on sait c’est que le premier à faire officiellement un parallèle entre menstrues et gastronomie est un romain. Au Ier siècle après JC, le naturaliste Pline l’Ancien dans son œuvre « Histoire Naturelle » va en effet accuser les femmes réglées de faire aigrir le vin tout comme le lait. Il écrit ainsi à l’époque : « la femme menstruée flétrit la récolte, dévaste les jardins, tue les graines, fait tomber les fruits, tue les abeilles, et si elle touche le vin, elle le transforme en vinaigre, le lait devient aigre. »
Fake OFF
Additionnez croyances et superstitions et vous obtenez une légende urbaine dans ce qu’elle a de plus littéral : un récit bref, présenté généralement comme une anecdote véridique mais qui est sans fondement. « Il n’y a aucune corrélation physiologique possible entre faire de la mayonnaise – ou même de la cuisine tout court – et la période des règles », affirme – avec fermeté – la docteure Maïlys Girard, gynécologue à Bastia. « C’est simplement, s’il en fallait, un exemple de plus de dénigrement des femmes réglées qui sont, rappelons-le, déjà dans une grande période de fragilité due aux saignements qu’elles subissent », ajoute-t-elle.
Une information que confirme Mathilde Daulon, sage-femme à l’hôpital de La Rochelle : « il n’y a absolument aucun lien entre le montage d’une mayonnaise et le fait que les femmes aient leurs règles à ce moment-là. »
La Force
La professionnelle de santé s’interroge, elle aussi, sur les origines actuelles de cette croyance. « Si on imagine que les femmes n’ont pas assez de force physique pour manier un batteur durant cette période, c’est faux, avance-t-elle encore, la perte de sang est uniquement de 5 à 20 ml pendant les règles. » Pas de quoi s’empêcher de fouetter un chat donc, au vu des quatre à cinq litres de sang présents dans le corps d’une femme.
En ce qui concerne la prétendue impureté des règles Mathilde Daulon tient également à apporter une précision à ce sujet : « le sang est un liquide biologique stérile qui ne contient aucune bactérie. » Des idées reçues donc qui participent largement à la stigmatisation des personnes réglées durant cette période et à la méconnaissance du reste de la société sur le sujet.
Et puis, soyons logiques, si l’on voit mal comment un batteur électrique pourrait être influencé par l’état de la personne qui l’utilise, qui sait encore monter une mayonnaise de nos jours ?
À lire aussi