Des étudiants plaident pour avoir des cours dans la réalité virtuelle
Enseignement•Des étudiants de l’Istec, une école de commerce parisienne, militent pour l’intégration de la réalité virtuelle dans leur maquette pédagogique à la rentréeLisa Debernard
«Durant les confinements, les écrans sont devenus nos fenêtres sur le monde et c’est à vous, enseignants, qu’il convenait de réduire le fossé qui nous séparait », entame solennellement Paul Mary, étudiant en Master 1 à l’Istec, une école de commerce et de marketing implantée à Paris. Ce jour-là, sur l’estrade face à un parterre d’enseignants, ils sont cinq étudiants à défendre ce qu’ils jugent comme « le futur de l’enseignement » : la réalité virtuelle (VR).
Des jeunes convaincus...
À l’origine de cette réflexion, Philippe Bastien, responsable de l’innovation pédagogique à l’Istec. « Depuis Noël je réfléchissais à la manière dont la VR pouvait être utilisée comme un nouvel outil », explique-t-il, tandis que de nombreuses questions émergent : « Comment l’utiliser ? Combien de temps ? Est-ce adapté à tous les cours ? » Convaincu du bien-fondé de son projet, notamment dans le cadre d’ exercices oraux où certains étudiants peuvent présenter une gêne « là où un avatar peut les aider à se libérer », Philippe Bastien convainc son école d’investir dans cinq casques. Depuis, un groupe d’étudiants volontaires s’est emparé du matériel pour en définir les usages.
« On s’est vite familiarisés avec les casques, raconte avec enthousiasme Solène Leroux, étudiante à la tête du groupe de réflexion. Nous sommes jeunes, les nouvelles technologies nous parlent. » Pour cette grande timide, l’utilité de la VR n’est plus à prouver dans l’enseignement après ces quelques semaines de test. « Pour le séminaire d’aujourd’hui par exemple, je me suis entraînée à m’exprimer dans un monde virtuel avec des avatars. Je suis persuadée que cela m’a aidée. » Sur scène, durant une quinzaine de minutes, le groupe revient sur les avantages et les limites de cet outil. Immersion, interactivité et engagement restent les maîtres mots d’une présentation accueillie sans grand enthousiasme par le corps professoral.
...le corps enseignant circonspect
Un auditoire moins convaincu encore quand les élèves rencontrent des problèmes techniques. « C’est la réalité qui rattrape le virtuel », s’esclaffe l’un des enseignants, quand un autre murmure, ironique : « C’est super intuitif votre truc. » Un décalage qui persiste une fois la présentation terminée. « J’ai l’impression que votre réalité virtuelle à vocation à faire disparaître notre métier », finit par asséner l’une des professeurs. La crainte du changement, Philippe Bastien et ses étudiants l’avaient pressentie. « Nous avons une jeunesse qui change, avec d’autres attentes, plaide l’enseignant. Il faut réinventer notre boulot pour les embarquer. »
« Uniquement pour du ponctuel alors. Pour casser la routine des cours », tempère Dominique Baruel Bencherqui, enseignante-chercheuse en RH, qui craint « de participer à enfermer les jeunes dans un monde qui n’est pas réel ». Quand sa collègue Sophie Canevet - Lehoux, professeure-chercheure en systèmes d’information, prône l’utilisation de technologies intermédiaires comme la réalité augmentée (RA). « Moins coûteuse (que la réalité virtuelle), plus adaptée, plus accessible pour les enseignants. » A l’étage, quelques curieux s’essayent au casque, accompagnés par les étudiants. L’atmosphère se détend, et quelques rires complices finissent même par se faire entendre du côté des professeurs masqués, devenus élèves le temps d’un instant.
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