Et si le Web était conçu de travers ?
Accessibilité•Peur panique de mal remplir sa déclaration d’impôts ou difficulté à déclarer ses ressources. Et si le problème ne venait pas des utilisateurs mais du Web, de par sa nomenclature ?Lisa Debernard
L'essentiel
- Ce mardi 15 novembre 2022 est paru le deuxième numéro de 20 Mint, notre média consacré au Web3.
- Ce dernier a été élaboré en collaboration avec la communauté réunie sur le premier numéro.
- Il est consacré à l’inclusion ; que ce soit des personnes en situation de handicap, des femmes, ou encore des personnes éloignées du numérique.
Un tiers de la population française ne s’estime pas compétente pour engager des démarches en ligne, selon l’Arcep (baromètre du numérique 2021). Pourtant, au cours des douze derniers mois, 67 % des Français ont effectué au moins une démarche sur Internet. Une situation paradoxale, qui peut induire chez certains une situation de stress. Et pour cause : « On reporte la responsabilité sur l’usager, alors que personne n’est un spécialiste de ces types de démarches », critique Tom-Louis Teboul, responsable du développement chez Emmaüs Connect, une association qui agit pour l’insertion des personnes en situation de précarité sociale et numérique.
Pour la mère de Damien Douani, 80 ans et « très agile sur sa tablette », lorsqu’il s’agit de lire et de répondre à des mails ou de trouver des recettes, tout roule. En revanche, remplir un formulaire pour les impôts a créé un blocage dernièrement. « C’était complètement fou, se remémore-t-il, il s’agissait d’un simple formulaire à cases mais elle était incapable de le faire seule ». S’il ne s’explique pas totalement l’obstacle rencontré par sa mère, l’expert en nouvelles technologies reconnaît que « l’aspect rebutant » du site était certainement à l’origine de « sa perte de repères ».
Une liste de recommandations pour un accès facilité
« Il faut des accompagnateurs numériques, des sites plus simples, des démarches plus légères et des règles assouplies » en cas d’erreur, martèle Tom-Louis Teboul, qui s’inquiète de la trop grande part de non-recours. Un constat partagé par la Défenseure des droits, qui, début 2022, a présenté une liste de trente-huit recommandations pour faciliter l’accès aux démarches en ligne, parmi lesquelles la nécessité « d’adapter l’ergonomie des sites et le vocabulaire pour les usagers les plus précaires ». Côté conception des sites, c’est donc sur les développeurs que le poids repose. « Ils doivent faire un effort de pédagogie », estime Damien Douani.
Si les concepteurs du Web2 n’ont pas été assez sensibilisés à ces questions, l’arrivée du Web3 pourrait rebattre les cartes, même si pour le moment, de l’avis de Damien Douani, « les illettrés numérique ne sont pas dans le viseur des bâtisseurs du Web3 », dont les technologies sont en recherche d’adoption rapide.
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