Pourquoi l'arrivée de Netflix en France n'est pas une révolution
WEB•Le service de vidéo en streaming Netflix est arrivé en France. Pas de raz-de-marée en vue pour les consommateurs, selon plusieurs observateurs…Anaëlle Grondin
Ca y est, après neuf mois d’attente, Netflix arrive enfin en France. Présenté comme l’Eldorado des sériephiles et des cinéphiles, le service de vidéos à la demande sur abonnement rend accessible aux Américains des dizaines de milliers de films et séries en streaming pour la modique somme de 8 dollars par mois. Mais que va réellement changer son arrivée pour le public français? 20 Minutes a posé la question à trois experts des médias.
«Les gens ne vont pas éteindre la télé»
«Ce ne sera pas un raz-de-marée», affirme Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil. Pour plusieurs raisons. «La SVOD [vidéo à la demande sur abonnement] est restée jusque-là un mode de consommation connu par une minorité de la population», indique-t-il. Selon Médiamétrie, 1% seulement des internautes français sont abonnés à un service de SVOD. Philippe Bailly ajoute que, sauf surprise de dernière minute, «Netflix n’a pas d’accord avec les fournisseurs d’accès à Internet» pour proposer son offre sur les box TV, or «le terminal privilégié pour la consommation de vidéo à la demande est la télé».
«Il reste plus simple de pouvoir surfer avec sa télécommande que d’aller consommer sur son mobile ou son PC», explique-t-il. «Il faut arrêter de penser que les gens vont éteindre la télé quand Netflix va arriver», ajoute Pierre Langlais, journaliste spécialiste des séries à Télérama. Surtout que le service, qui a commencé en 1997 aux Etats-Unis en tant que loueur de DVD, «déboule de nulle part» pour les Français.
«La plateforme ne pourra jamais tout proposer»
Philippe Bailly souligne également que le catalogue de séries et films de Netflix risque de décevoir plus d’un Français. «Ils proposent des dizaines de milliers de programmes aux Etats-Unis, mais seulement 2.000 ou 3.000 en Europe». En outre, la chronologie des médias prévoit 36 mois de délai entre la sortie d’un film au cinéma et sa disponibilité en SVOD. Comme ses concurrents français, Netflix n’y échappe pas.
Et même pour les séries, «la plateforme ne pourra jamais tout proposer», assure Pierre Langlais. D’ailleurs, celles qui font la réputation du service ne sont pas forcément sur Netflix dans l’immédiat. Canal+ a les droits de diffusion de «House of Cards», par exemple. Le journaliste voit surtout la plateforme américaine comme «une réserve de séries à rattraper». De son côté, Philippe Bailly pense que Netflix va surtout «chercher à créer l’événement avec quelques programmes, comme "Marseille"» et non «proposer un volume de programmes considérable».
La France, deuxième pays d’Europe où l’offre de VOD est la plus riche
Autre écueil, «la France n’est pas un désert du point de vue des offres dématérialisées», souligne Pascal Lechevallier, consultant en médias et spécialiste de la VOD, qui se montre tout aussi sceptique. Il existe déjà des services comme FilmoTV ou CanalPlay. «Selon les chiffres de l’observatoire européen de l’audiovisuel, on est le deuxième pays où l’offre est la plus riche», précise-t-il. «CanalPlay a déjà 500.000 abonnés. Cela m’étonneraient qu’ils basculent tous sur Netflix.» Il rappelle que beaucoup de séries appréciées en France sont déjà diffusées sur d’autres plateformes, comme «Game of Thrones» sur OCS. «Netflix va se distinguer grâce à la curiosité qu’il suscite, son marketing. Mais dans un contexte audiovisuel français assez concentré, il va sans doute batailler plus dur que prévu pour se faire une place au soleil», ajoute l’expert.
«On parle autant de l’arrivée de Netflix car c’est une grosse machine qui compte 50 millions d’abonnés dans le monde», estime Pierre Langlais. Mais c’est surtout, selon lui, «une symbolique de l’entrée dans un nouveau cycle» avec Amazon qui «va certainement arriver derrière». Si la France ne va pas assister à une révolution cette semaine, l’arrivée de Netflix devrait populariser la SVOD et «changer notre manière de consommer les programmes», avance Philippe Bailly. En attendant, elle aura au moins eu le mérite d’avoir fait réagir la concurrence et évoluer les offres françaises.
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