Vous avez interviewé le navigateur Franck Cammas
VOS QUESTIONS•Le navigateur français a répondu à vos questions...Cédric Garrofé
Cette passion pour la mer vous est venue quand et comment? Et la navigation? (Peron)
J’ai eu envie de faire de la voile en lisant un livre d’Eric Tabarly, Tour du monde de Pen Duick VI. J’avais neuf ans. Ce livre qui raconte l’aventure de Tabarly dans la Whitbread (ancien nom de la Volvo Ocean Race) m’a donné le goût du large. L’année suivante, j’ai tiré mes premiers bords en Optimist lors d’un stage à l’UNM, le club du Vieux Port de Marseille. Et depuis, la passion de la voile ne m’a pas quitté.
S’il y en a, quels sont vos modèles? (Leonidas3)
Je n’ai pas vraiment de modèle mais certains marins m’ont inspiré. Parmi eux, Eric Tabarly et Loïck Peyron.
Comment se déroule votre préparation à la Volvo Ocean Race ? À quels détails/éléments accordez-vous le plus d'importance ? (Jean de C.)
Tous les détails comptent car un ensemble de petits détails fait un tout. Et une négligence sur un détail peut causer d’importantes conséquences, par exemple dans la construction du bateau. Pour notre préparation, elle doit être un équilibre entre cohésion d’équipage, fiabilité de Groupama 4, notre bateau, et performance.
Pourquoi avez vous choisi de faire cette course? (Pitoula)
La Volvo Ocean Race répondait à deux envies : une attente sportive de ma part et de mon équipe et une attente de mon sponsor Groupama, qui s’est développé à l’international. La Volvo Ocean Race répondait à ces deux critères : haute compétition sportive et dimension internationale.
Quelles sont les différences entre cette course et celles auxquelles tu as participé auparavant? (Sesseinto44)
Déjà, la Volvo Ocean Race se court sur des monocoques (une seule coque). Depuis 14 ans, je naviguais en trimaran (trois coques). Ensuite c’est un tour du monde avec escales, et cela change tout ! Les tours du monde connus en France sont sans escale comme le trophée Jules Verne ou le Vendée Globe. J’ai fait le Trophée Jules Verne l’année dernière. Nous sommes partis de Brest, nous sommes revenus à Brest. En 48 jours, nous avions fait le tour de la planète sans voir ni rencontrer des personnes d’autres pays. Je suis très heureux de faire des escales pour enfin découvrir des pays étrangers comme les Émirats Arabes Unis, la Chine ou la Nouvelle-Zélande.
Vous avez pratiqué les courses en solitaire, en équipage... Laquelle préférez-vous? (Tiorana)
Je préfère l’équipage car je suis un compétiteur et naviguer en équipe permet de pousser le bateau à son maximum et d’atteindre de meilleures performances.
Comment se passe la vie à bord, le partage des tâches? (anarchoid)
Bien ! Ça se passe très bien ! Chacun a un poste à bord même si nous tournons pour nous relayer sur le pont. C’est ce que l’on appelle le système de quart. A bord, il y a des régleurs, des barreurs, des n°1 (qui vont à l’avant du bateau), des chefs de quart (responsable de ce qui se passe sur le pont quand le skipper n’y est pas). Il y a aussi le navigateur avec qui je discute en permanence. Nous analysons ensemble la météo et décidons de la trajectoire à suivre. Enfin, et c’est une particularité de la course, nous avons un équipier média à bord. Son rôle principal est de faire des images et des textes pour la terre. Il s’occupe également de nous préparer les repas.
(Ndlr : Yann Riou possède un blog sur 20minutes.fr)
Quelle est votre plus grosse crainte sur l'eau? (sociaLiz)
Ma plus grosse peur est de perdre un équipier. D’ailleurs mon pire souvenir reste le chavirage de Groupama 2 dans la transat Jacques Vabre 2005. J’ai vraiment eu peur pour Franck Proffit, mon équipier.
Comment se prépare-t-on à une telle course physiquement et mentalement? (Tijuan3)
Physiquement, nous nous entraînons tous les jours avec un physiothérapeute qui construit notre programme : musculation, cardio, étirements. Il nous faut être très complet. Mentalement, je n’ai pas de méthode particulière. Je suis heureux à chaque fois que je vais sur l’eau et que je pars en mer. C’est peut-être cela ma méthode ?!
Qu'est-ce que vous faites lorsque vous êtes à terre, entre les étapes? (Hervirn)
Je me repose quelques jours, je profite de mes proches qui me rejoignent de temps en temps aux escales et j’essaie de voir un peu du pays. Mais les jours de repos passent vite et nous reprenons l’entraînement une semaine avant le départ de l’étape suivante.
Quels sont vos contacts avec la "terre" lorsque vous êtes en mer? Vous avez Internet, la TV, la radio? (Bouillona)
Les règles de la Volvo Ocean Race interdissent au bateau un libre accès au web. Nous avons une connexion internet mais nous ne pouvons l’utiliser que pour envoyer des médias, recevoir des mails de texte, et télécharger des informations sur la météo. Nous avons un téléphone satellite et des installations pour faire des visios. Avec mon partenaire Groupama, nous organisons deux rendez-vous hebdomadaires : une visio le mardi à 12h15 (heure française) et une vacation audio le jeudi à la même heure. Tout est retransmis sur le site internet de l’équipage.
Que pensez vous de Lorient qui a été choisi comme port d'escale dans le parcours de la Volvo ? (Bardina)
Je suis très heureux que Lorient ait été choisi comme port escale. J’ai d’ailleurs soutenu la candidature de la ville qui nous accueille mon équipe et moi depuis plusieurs années. Lorient a tous les ingrédients pour faire un très belle étape : un plan d’eau intéressant, du vent, un grande base avec des équipements, et un public qui aime la voile. J’espère que le public sera justement nombreux à nous accueillir à Lorient en juin prochain.
Vous sentez vous encouragés par les fans qui vous suivent à terre ? Cela fait-il une différence pour vous de vous sentir soutenus pas des inconnus? (Isabelle)
Oui, nous sommes tous très sensibles à cela dans l’équipage même si aucun d’entre nous ne fait de la voile pour avoir des fans (lol). L’arrivée à Cape Town était vraiment chaleureuse et cela fait évidemment très plaisir de se savoir soutenu.
Trouvez vous cela curieux que des gens soient fans de voile sans pratiquer cette discipline? (Isabelle)
Absolument pas. La voile est, avec l’alpinisme, une discipline où la dimension d’aventure reste très forte. Je pense que c’est cela qui attire vers la voile.
Quels seront vos projets après cette Volvo et avant la suivante dans 3/4 ans: route du rhum, Vendée Globe, records en solitaire ou autre?? (Isabelle)
Nous ne sommes pas au quart de la Volvo Ocean Race donc je me concentre pour l’instant sur cette course à laquelle une bonne partie de mon équipage et moi-même n’avons encore jamais participé. Je commencerai à me poser la question plus tard, pour l’instant, je profite de ce tour du monde.
Qu'est-ce que vos coéquipiers vous apportent sur la voile et sur vous-même? (JulienC)
Comme sur le Trophée Jules Verne, il y a dans l’équipage des personnes plus expérimentées que moi et également plus spécialisées. Naviguer en équipage et travailler en équipe reste un échange même si au final, je suis responsable des choix.
En course pendant la Volvo, du fait de votre rôle de skipper, vous sentez-vous à part du fait de ce rôle ou un équipier comme les autres? Comment gérez vous cela? Devez vous mettre une distance afin de vous faire respecter ou vous faites vous respecter naturellement? (Joganel)
Chacun a son rôle à bord et le mien est de prendre les décisions finales. Je donne une ligne et après, je fais confiance à mon équipage pour la suivre.
Y a-t-il une bonne ambiance à bord? (Isabelle)
Excellente. Une ambiance de travail et une connivence de tous vers le même but. Pas seulement à bord mais aussi à terre avec touts l’équipe qui travaille sur le projet depuis deux ans.
A quel point avez-vous envie de gagner cette course? (Leonna34)
Ce que je veux c’est être devant le 2e.
Que signifie gagner pour vous? Racontez nous les sensations que provoquent la victoire (cf route du rhum peut être) (Isabelle)
La victoire est pour moi l’aboutissement d’un travail bien fait. Elle démontre que la démarche a été bien menée et que la méthode a été bonne. Et la victoire en équipe est encore plus forte que la victoire en solitaire.
Merci à tous de nous suivre mon équipe et moi dans ce tour du monde. Prochaine escale pour nous : Abu Dhabi. D’ici là, vous pourrez retrouver toutes les informations du bord sur le site internet de l’équipe. Yann Riou, notre équipier média a également un blog sur 20minutes.fr où il raconte des anecdotes décalées sur la course et sur ce qu’il se passe à bord. A très bientôt.
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Présentation du chat:
Après douze années de défis en multicoque, Franck Cammas se lance, aux côtés de Groupama, dans une aventure mythique: la Volvo Ocean Race.
Cette course en équipage autour du monde avec étapes est partie d'Alicante (Espagne) le 5 novembre 2011. Pendant 8 mois et à travers 10 escales, les équipages engagés parcourront plus de 39.270 milles sur 4 océans. La course se terminera à Galway (Irlande) le 7 juillet 2012 après avoir fait escale en France à Lorient, du 16 juin au 1er juillet 2012. Cette course, anciennement appelée Whitbread, n'a été remportée par la France qu'en 1986 (avec Lionel Péan sur le bateau L'Esprit d'équipe). La dernière participation française date de 1993 avec La Poste skippé par Eric Tabarly.
Franck Cammas est un navigateur français né en 1972. Détenteur du Trophée Jules Verne et dernier vainqueur de la route du Rhum, Franck Cammas est aujourd'hui skipper de Groupama 4, seul monocoque français engagé dans la Volvo Ocean Race 2011-2012.