Vos questions sur Mai 68
MOUVEMENTS ETUDIANTS•Vous avez interviewez un chercheur...En cette année de quarantenaire, Jean-Philippe Legois sort «Le Petit Livre des slogans de 68» (First). Il est directeur du Centre National de Recherches sur les Mouvements Étudiants à Reims, directeur de la Mission CAARME (Centre National d'archives sur les Mouvements Étudiants) à Reims et membre du Groupe d'études et de recherche sur les mouvements étudiants (GERME). Il anime également un séminaire de recherche à Sciences-Po Paris sur «Le mouvement étudiant en 1968».
Et il a répondu à vos questions:
Ses dernières réponses:
Genzo_ | 26.03.2008 - 10h05
Pourquoi ceux qui étaient en bas de l'échelle, grâce à mai 68 se sont retrouvés en haut? Donc ceux qui criaient sus aux privilèges en profitent bien maintenant. Doit-on faire mai 68 tous les 40 ans?
Il me semble discutable de dire que ceux qui étaient en bas de l'échelle se retrouvent en haut. Certains étaient déjà (familialement, culturellement) en haut. Et tout un tas de personnes qui se sont alors mobilisées sont restées des «obscurs et sans grade». C'est justement le but d'une enquête biographique collective à mener, que nous souhaiterions mener, pour les militantEs étudiantEs, dans le cadre du GERME et de la Mission CAARME.
Pour en savoir plus: www.caarme.fr, www.germe.info
A une prochaine fois!
Gilles 75013 | 26.03.2008 - 15h03a
Pourquoi Sarkozy communique sur la «liquidation» de l'héritage de Mai 68? Comment va t-il procéder?
Il semblerait que cet «héritage» (que certains considéraient comme impossible, cf. JP Legoff) soit encore un obstacle au projet politique de N.Sarkozy. Les enjeux historiographiques rejoignent donc les enjeux mémoriels comme le montrent deux sites aux approches différentes (www.mai-68.fr, www.mai-68.org).
ROTA37 | 26.03.2008 - 13h17
L'avenir social de la France doit obligatoirement passer par des révolutions car ce peuple ne sait pas partager?
C'est peut-être aussi un problème des élites aux pouvoirs...
dave | 26.03.2008 - 14h43
1789, 1815, 1830, 1848 ,1871, 1945, 1968... La France est un pays qui ne sait bouger qu'à coup de révolutions et de sorties de guerre. Quelle sera la prochaine date?
Certes, les «émotions» «pré-révolutionnaires» sont nombreuses, mais la boule de cristal n'est pas encore fournie avec le kit de recherche historique et valorisation archivistique...
JulienDeLorraine | 26.03.2008 - 16h48
Cohn - Bendit n'a-t-il pas tout confondu en essayant d'assimiler mai68 à une guerre contre une France fasciste rêvée, avec des slogans démagogiques tels que CRS-SS? Mai68 n'était-il pas un mouvement de petits bourgeois qui s'ennuyaient et voulaient se sentir on ne sait quoi de mieux que leurs pères (le complexe d'oedipe)? N'était ce pas avant tout l'oeuvre de quelques égos sur dimensionnés qui ont tout basés sur la haine de l'autres et dont les descendants sont aujourd'hui ces fameux bobos raillés et totalement déconnectés de la réalité qui voudraient pour nous ce qu'ils ne veulent pas pour eux?
Cohn-Bendit (et pour cause... Parcours familial et formation politique) est un de ceux qui n'ont pas cautionné le slogan CRS-SS, qui d'ailleurs n'est pas né en 1968, mais dans les grèves de mineurs de 1947 (cf. ouvrages historiques cités plus haut). D'autre part, si le milieu étudiant d'alors n'était pas majoritairement issu des milieux populaires (celui d'aujourd'hui non plus), ces étudiants existaient également et plutôt relativement surreprésentés en milieu militant.
harissa | 26.03.2008 - 16h50
J'ai l'impression que dans les années 60 à 80 c'était plutôt la révolution et malgré ce qui c'est passé en Mai 68, à l'époque les gens obtenaient toujours ce qu'ils voulaient. Maintenant c'est plus glauque, on est réduit à la dictature française. Et les jeunes sont tous mous... Fallait pas trop se manifester en 68, vous avez fait une bonne partie du boulot, en 2008 il nous reste quoi?
Tout d'abord, petite précision : je suis né après 68, n'ai donc (malheureusement ?) rien fait alors. Par ailleurs, il faut toujours se méfier des discours sur la "bof génération" (même avant 68, et même bien avant, on parlait de "la France qui s'ennuie"). Pour avoir contribué à suivre/«archiver» - dans le cadre de la Mission CAARME - les dernières mobilisations étudiantes contre le CPE et la LRU, les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas si mous...
pascontent1981 | 26.03.2008 - 15h16
Bonjour Monsieur, Alors questions concrètes et concises dans l'espoir d'avoir des réponses concrètes : à quoi a servi Mai 68? Quelles furent ces conséquences sur notre société ? Et au final, est ce que Mai 68 a fait surtout du bien, ou surtout du mal à la société française?
Question difficile et à laquelle l'historien et l'archiviste n'a pas forcément à répondre... Ce qui est sûr, c'est qu'il existe des changements réels (université, section syndicale d'entreprise, liberté d'avortement...) et que les «luttes des années 68» n'y sont pas pour rien!
vins76 | 25.03.2008 - 14h36
Voyez vous une machine arrière pour ce qui concerne le financement des universités par des entreprises?
C'est effectivement une tendance lourde avant même 68. Le développement d'une université technocratique était déjà dénoncé alors, sans pour autant défendre l'université traditionnelle, mais en promouvant une «université critique». Le rapport semble de plus en plus favorable à l'université technocratique, même si les perspectives traditionnelles et critiques arrivaient à s'unir...
iskra1968 | 26.03.2008 - 16h34
Bonjour, Une petite question. S'il n'y avait qu'un slogan «représentatif» à retenir de 68, lequel selon vous?
A mon sens, «Il faut systématiquement explorer le hasard»... Ce qui illustre la caractère fondamentalement anti-dogmatique et expérimental du mouvement de Mai, touchant bien plus largement que les militants et les «conscientisés». Mais «l'espoir nous est donné par les sans espoir» est pas mal également, illustrant le travail de Sisyphe pour l'émancipation sociale!
parmenion | 25.03.2008 - 15h19
Monsieur, d'après-vous, si «révolution» il y avait aujourd'hui, un «mai 2008», aurions-nous plus à attendre de «mai 68», présenté comme un Graal par quelques baba-attardés, mais ayant surtout à mes yeux de trentenaire permis à la génération des trente glorieuses de prendre les commandes et surtout de ne jamais les lâcher depuis? La génération actuelle pourrait-elle faire mieux que la précédente, c'est-à-dire rester fidèle à ses idéaux?
La situation paraît encore plus délicate qu'il y a 40 ans (cf. ci-dessous): non seulement les oripeaux idéologiques ont disparu (ce qui n'est pas une mauvaise chose), mais les repères politiques également. Même les forces alternatives d'aujourd'hui ont du mal à préciser les grandes lignes d'une autre société. On peut partir en randonnée sans boussole, mais c'est toujours plus risqué...
bastet 17 | 22.03.2008 - 15h43
Pourquoi limiter mai 68 à ce qui s'est passé en France, cela a touché tout le monde (non à la guerre au Vietnam par exemple). Le vote et la majorité à 18 ans, le planning familial et la contraception etc... C'était une époque riche et solidaire. Non?
D'accord à 300 % ! Le petit livre sur "les slogans de 68" se veut juste une invitation à la langue de mai en France, où la situation est déjà complexe à synthétiser sans déformer. D'autres ouvrages offrent de belles synthèses plus détaillées y compris sur le plan international (La France des années 68, 68, une histoire collective....) et, notamment, une expo se prépare à la BDIC de Nanterre...
koram | 23.03.2008 - 13h07
Maintenant que les soixante-huit arts ont le pouvoir de la génération Que proposent-ils comme innovation dans notre société star-people ?
Tous les 68-tards ne sont pas au pouvoir (ça se saurait), mais pour la partie visible qui participe aux pouvoirs, il existe une logique de fonction qui ne peut que les amener à des innovations marginales. C'est d'ailleurs, à la base de la société, que l'innovation se vit au jour le jour...
alesson | 24.03.2008 - 17h58
Que pensez vous de la jeunesse du Net? Croyez-vous que la liberté d'expression qu'elle a aujourd'hui, c'était ce que tous les étudiants de 68 voulaient?
68 a bien été une extraordinaire "prise de parole" (dixit Michel de Certeau), et dans tous les secteurs, pas seulement "lettrés". En cela, le développement de l'Internet et des possibilités d'expression directe de chaque citoyen-ne, y compris dans une dimension collective, peut apparaître comme un prolongement imprévisible du mouvement de Mai. Mais, en 68, la liberté d'expression n'était pas un but en soi: il s'agissait de changer de monde, d'université, d'usine...
Ange06 | 25.03.2008 - 10h41
Ne trouvez-vous pas pathétique la manière avec laquelle ces anciens 68ars prennent part à notre société, se légitimant par rapport à leurs actions passées qui ne sont rien par rapport à ce qui s'est passé avec les blousons noirs où les jeunes d'aujourd'hui. Que retiendra-t-on de 68 excepté des slogans?
Il ne faut effectivement pas généraliser sur les 68-tard! La majeure partie de celles/ceux-ci, y compris certains blousons noirs, sont restés dans l'ombre de mai. C'est souvent dans cette ombre qu'il reste beaucoup de choses intéressantes à creuser y compris pour notre présent. Et une grande partie de ces slogans exprime de manière lapidaire cet esprit de quête d'un autre futur au quotidien.
lionel | 21.03.2008 - 17h14
Etait-ce vraiment une révolution? Aujourd'hui le pouvoir est toujours le même (la référence est toujours le Général), les CRS sont toujours là mais le PCF est quasi mort... Qui a gagné?
A priori, ce ne fut pas une révolution, puisqu'il n'y a pas eu de changement radical des structures sociales, mais celles-ci ont tout de même sérieusement vacillé, non seulement dans le système éducatif et universitaire, mais également dans les usines et autres lieux de travail. Quant à l'évolution des forces politiques en France, on ne peut pas dire qu'elles n'aient pas changé en 40 ans!
la voix à suivre | 24.03.2008 - 12h08
A l'heure où notre pays a plus que besoin d'un nouveau tournant, pensez-vous que le peuple français soit capable d'une nouvelle révolution?
Le fond de révolte est toujours vivace, ici et là... Pour autant, le contexte politique et idéologique a très fortement évolué : l'idée même de révolution semble "dépassée" ou "lunaire". Mais une des leçons de 68 est de ne pas s'attacher uniquement aux mots (fussent-ils les plus beaux slogans du monde), mais aux choses. Des révolutions "douces" peuvent toujours avoir lieu.
Demandez lui tout ci-dessous et dès maintenant…