Cinéma: «Seul sur Mars» débriefé par les vrais «martiologues»
SCIENCE•Salué par la communauté scientifique pour son réalisme, le film de Ridley Scott s'affranchit aussi, forcément, des règles martiennes et spatiales. Le «fact checking» des spécialistes...Hélène Ménal
La Nasa et l’Agence spatiale européenne (ESA) ont conseillé le scénariste et le réalisateur de Seul sur Mars, qui sort mercredi dans les salles françaises. Mais, grand spectacle oblige, il y a quand même quelques invraisemblances dans ce huis clos spatial que la crème des « martiologues », réunis à la Cité de l’Espace de Toulouse pour une avant-première, n’ont pas manqué de soulever. Avec indulgence mais tout de même…
Mark Watney aurait dû crever 1.000 fois les roues de son rover
D’ailleurs, il n’aurait même pas dû se trouver là. C’est LE REPROCHE le plus entendu dans le sillage du film : la tempête initiale qui vaut à MacGyver/Mat Damon d’être abandonné sur la Planète rouge ne peut pas se produire.
« L’atmosphère étant très ténue sur Mars, les cailloux ne peuvent pas voler et le sable lui-même se déplace très lentement », assure Sylvestre Maurice, planétologue (Irap-UPS) spécialiste de Mars et « père » du ChemCam - la caméra laser - du Rover Curiosity. D’ailleurs à propos du Rover qui parcourt des kilomètres et des kilomètres sans incident, même pas une petite crevaison, le scientifique enfonce le clou : « Pas d’atmosphère, pas d’érosion. Sur Mars, les cailloux sont pointus ». Pour les galets, il faudra repasser.
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Un sol stérile, du moins en surface
Non on ne peut pas faire pousser des patates sur le sol martien. Même quand on est un botaniste hors pair et qu’on trouve l’engrais idéal soigneusement emballé sous vide dans la fosse septique de la base de vie. « Le sol de Mars est extrêmement oxydé et bombardé par les radiations solaires. Nous estimons qu’au moins le premier mètre du sol est assez stérile », assure Sylvestre Maurice.
On ne saute pas dans sa combi de spationaute en dix secondes
Dans Seul sur Mars, les sorties extra-véhiculaires dans l’espace s’accomplissent en moins de deux. Juste le temps de sauter dans sa combi. « Mais en réalité, ça prend des heures de se préparer », relève le jeune spationaute français Thomas Pesquet depuis Houston où il s’entraîne avant de décoller pour la Station spatiale internationale (ISS) fin novembre.
Un Mark Watney pas trop dans le moule
L’ex-étudiant de SupAéro, très fan du film, suppute aussi que l’inventif Mark Watney n’aurait peut-être pas été recruté dans les vagues actuelles. « Pour l’heure, il faut de bons techniciens capables d’obéir aux consignes. On n’essaie pas d’inventer la poudre », dit-il modestement. Pour des missions plus lointaines, « il va falloir tendre vers plus d’indépendance avec des profils différents, peut-être plus bricoleurs », estime le spationaute.
L’absence de solitude
Romain Charles a vécu 500 jours confiné avec six étrangers dans un module simulant un voyage vers Mars. Son « bémol » n’est pas vraiment technique mais plutôt psychologique. « Mark Watney passe deux ans tout seul et à aucun moment je n’ai ressenti cette solitude », remarque l’ingénieur. C’est vrai que le naufragé de l’espace la joue joyeux drille. Il a peu, très peu de moments d’abattement. Mais bon, s’il avait flanché à la première panne du micro-ondes, on aurait rigolé.