Musique: «Nous avons toujours le feu sacré», affirme Mouss de Zebda
CULTURE•«Comme des Cherokees» est dans les bacs depuis ce lundi. Mustapha Amokrane, l’une des trois voix de Zebda, évoque ce nouvel album et les engagements du groupe…Propos recueillis par Béatrice Colin
Zebda, originaire de Toulouse, est un groupe français de musique d’influences diverses. Il a sorti un nouvel album «Comme des Cherokees» ce lundi.
Après la sortie en juin d’un premier extrait très funky, «Les petits pas», votre album «Comme des Cherokees» est sorti ce lundi. Avez-vous déjà des premiers retours?
Nous sommes contents des premiers retours, de l’intérêt que cela suscite, ça fait du bien.
En 2012, Zebda sortait un album après huit ans de pause. Là, il vous a fallu à peine deux ans. Vous n’aviez pas besoin de faire un petit break?
Après le précédent album, nous avons fait une tournée énorme qui nous a donné de l’énergie. Dans la continuité nous avions besoin de nous remettre au boulot, nous n’avions pas besoin de six mois pour récupérer… Nous nous étions imaginé nous retrouver en mai ou juin 2013, mais finalement dès janvier nous étions prêts, la tournée nous avait nourris.
Dans ce nouvel album, vous vous nourrissez aussi de ce qui fait Toulouse, son «accent tué», ou le rugby qui la fait vibrer dans le titre «Essai»…
Nous avons vocation à partir du local pour évoquer des choses globales, qui parlent à tous. Si on parle de l’uniformisation de l’accent c’est aussi une manière d’évoquer la pluralité de notre pays, le multiculturalisme est important et l’accent en fait partie. Dans «Essai», on aborde le collectif… ce sont des thèmes sur lesquels on s’est construit.
Vous abordez aussi des thèmes plus engagés, notamment celui des Chibanis, ces travailleurs immigrés à la retraite pour lesquels vous vous étiez mobilisés en 2012. C’était important de parler de leur situation?
Nous avons senti l’urgence… depuis la mobilisation on voulait en parler. La chanson est quelque chose qui rend visible ce qui est invisible et insupportable. Il y avait aussi une volonté de reconnaissance car il s’agit de notre histoire, celle de l’immigration post-coloniale. Et cela correspond aussi à l’âge que l’on a aujourd’hui, on pense à nos parents, cela permet de garder le fil de cette histoire que l’on veut inscrire dans l’histoire commune.
Vous auriez pu aussi évoquer Jaurès dont on commémore cette année le centenaire de l’assassinat. Ce défenseur des ouvriers vous inspire toujours?
Il incarne aussi des valeurs d’éducation. Jaurès, c’est une autre époque, une autre mentalité, il représente une gauche qu’on aimerait avoir aujourd’hui, histoire que ce soit possible de voter pour quelqu’un qui fait ce pour quoi il a été élu. La gauche gestionnaire, dès qu’elle est au pouvoir ne tient plus ses promesses, comme sur le droit de vote des étrangers…
Vous avez soutenu François Hollande en 2012, dans l’entre-deux-tours. Lors des municipales on vous a moins entendus. Vous avez pris vos distances avec la politique?
On ne s’éloigne pas de la politique, elle est dans notre vie, elle fait partie de nous. Mais notre soutien a une valeur relative, on s’aperçoit que c’est juste quand on a besoin de nous. Et notre ressenti pourrait se caler sur celui des quartiers populaires. Quand certains sont élus on dit que c’est grâce aux quartiers populaires et quand ils perdent c’est un peu leur faute… Nous n’avons pas envie d’être manipulés. Les gens des quartiers avaient voté en masse lors des précédentes élections et ne se sont pas sentis entendus, il aurait fallu reconnaître l’importance des quartiers. Après tout, on n’est pas obligé d’apporter notre soutien. On l’avait fait dans l’entre-deux-tours pour François Hollande. On ne se faisait pas d’illusion… Aujourd’hui on est dans une logique de système qui fait grandir le FN.
Vous interdisez-vous du coup de revenir en politique?
On ne s’interdit rien, on en est juste revenu de cet appel à soutien systématique.
On vous a peu entendu sur le conflit israélo-palestinien alors que vous avez toujours été très engagés pour la cause palestinienne…
C’est un éternel recommencement. On ne peut pas admettre qu’un peuple puisse se faire massacrer de la sorte. Il y a aussi eu ces interdictions de manifestation, on n’avait pas interdit celle du FN quand un arabe avait été mis à la Seine. Là, on crée un fantasme, on n’entend plus les modérés et ce sont les radicaux qui prennent la parole, dans un sens comme dans l’autre, qu’ils soient antisémites ou islamophobes.
Le quartier des Izards, où vous avez grandi, a été touché par des drames ces derniers mois. Que pensez-vous de l’initiative de certains jeunes qui ont décidé d’essayer de changer l’image du quartier?
Le quartier a été choqué par ces drames. Des jeunes ont eu envie de réagir et on les suit de loin. On ne veut pas les phagocyter, mais dès qu’ils auront besoin, nous serons là. Le seul espoir que l’on ait, c’est que les gens se mobilisent, proposent autre chose que le sentiment d’abandon.
Plus de 20 ans après les débuts de Zebda, 8 albums et plus de 1 000 concerts, avez-vous toujours le feu sacré?
Nous avons toujours le feu sacré, c’est incontestable. On mesure tous les jours ce que l’on peut vivre, cela nous nourrit tous les jours.