«LA CONSOLATION»Léa Drucker: «La mère de Flavie Flament a des petits éclairs de lucidité»

VIDEO. Léa Drucker: «La mère de Flavie Flament a des éclairs de lucidité balayés par ses rêves»

«LA CONSOLATION»L'actrice Léa Drucker revient sur son rôle de mère «maltraitante» de Flavie Flament dans l'adaptation du roman de l'animatrice, «La Consolation», en téléfilm...
Léa Drucker (à droite) interprète la mère Flavie Flament (Lou Gable) dans l'adaptation de son roman «La Consolation».
Léa Drucker (à droite) interprète la mère Flavie Flament (Lou Gable) dans l'adaptation de son roman «La Consolation». - Nathalie Guyon
Claire Barrois

Propos recueillis par Claire Barrois

L'essentiel

  • «La Consolation », qui a remporté le Prix du meilleur téléfilm au Festival de la fiction TV de La Rochelle en 2017 est diffusé ce jeudi à 21 h sur France 3.
  • Il a été adapté du récit de Flavie Flament, dans lequel elle dénonce le viol dont elle a été victime à 13 ans.
  • Dans le téléfilm, Léa Drucker joue sa mère, qui a provoqué la rencontre de sa fille avec son violeur.

Léa Drucker est Ginette, la mère de Flavie Flament, dans l’adaptation de son roman autobiographique La Consolation, diffusé ce mardi à 21 heures sur France 3. L’actrice livre une interprétation remarquable et éclipse presque la non-moins talentueuse Lou Gable, qui incarne Flavie Flament. Ensemble, elles portent une histoire forte. Léa Drucker, qui joue également une psychologue dans la série Le Bureau des Légendes, a tenté de déceler pour 20 Minutes les ressorts psychologiques de cette femme à la personnalité complexe.

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Est-ce que ça met une pression supplémentaire de jouer le rôle d'une femme réelle et qui va se voir à la télévision ?

C’est délicat. De toute façon, Ginette n’est pas cette femme, elle est l’interprétation que je fais d’un personnage composé par une réalisatrice à partir d’un livre écrit par Flavie Flament. Le scénariste, le réalisateur et les acteurs s’approprient l’histoire. Ce qui m’intéressait, c’était d’incarner, pas de juger cette femme que je ne connais pas. C’est intéressant de voir comment une relation fille/mère peut devenir névrotique sans que le téléfilm soit un copié collé de la vie de cette famille.

Comment avez-vous fait pour l’interpréter en toute liberté ?

J’ai imaginé quel était le moteur de cette femme et j’ai essayé d’être touchée. J’avais besoin d’être touchée. Son humanité rend l’histoire d’autant plus perturbante. Cette femme vit en plein chaos, elle s’ennuie, elle est complexée, a été mal aimée… J’ai posé quelques questions à Flavie Flament, qui était sur le tournage, sans être trop intrusive. Je voulais être imaginative et créer ma propre relation avec Lou Gable, qui interprète Flavie. J’avais besoin de distance, de m’échapper pour que ça marche.

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Gigi dit des choses très violentes à sa fille, mais on se demande si elle s’en rend compte…

A aucun moment je ne me suis dit : « Je veux être méchante. » Les gens qui ont une perversion narcissique se voient comme des victimes. Cette femme avait un rêve très fort, tout ce qui n’allait pas dans le sens de son rêve, elle le vivait comme une attaque personnelle. Quand elle dit à sa fille qu’elle est un boudin, qu’elle est moche, je trouve ça vraiment très violent, mais elle, elle croit qu’elle le dit pour le bien de sa fille, que c’est important pour son éducation. Elle n’a pas la volonté d’être méchante, de faire mal. Elle pense qu’elle l’aide et perd le contrôle au final. Elle a des compulsions, des obsessions difficiles à maîtriser. Elle pense que sa fille va résoudre ses problèmes personnels. C’est courant de rencontrer des gens qui pensent ça, mais ça n’existe pas !

Dans certaines scènes, cette femme fait de la peine, mais l’instant d’après, elle redevient une teigne. Que peut-on en déduire de sa personnalité ?

A un moment, elle se livre à Flavie et lui souhaite de ne pas avoir la même « vie de merde » qu’elle, avant d’obtenir qu’elle lui donne la lettre qu’elle refusait de lui faire lire, Est-ce de la manipulation, du désespoir ? Je crois que tout est possible. C’est très douloureux pour elle de voir sa fille lui échapper, et quand elle obtient la lettre, tout se résout. C’est de la vraie maltraitance, elle devrait être prise en charge, toute la famille devrait être prise en charge à ce niveau-là.

Elle ne semble pas vraiment aimée par son mari ni par sa mère…

Son mari est un lâche passif, dépassé… Elle a un caractère plus fort. C’est une personnalité riche, drôle gaie. Tout tourne autour d’elle. Lui ferme les yeux, ne cherche pas à savoir et n’intervient pas. Elle a eu du mal à exister dans sa famille : Elle a une forte blessure narcissique, se retrouve face à un frère qui a réussi et un père méprisant. Elle est coincée dans une case qui ne lui correspond pas forcément. Quand on ne coupe pas le cordon avec sa famille, on est dans le pétrin, et c’est le cas de tout le monde ! Sa vision d’elle-même est encore plus mauvaise à cause de sa fille qui est jolie, qui brille. Elle éprouve un mélange de fascination et de répulsion pour elle.

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A un moment, elle semble hésiter à envoyer sa fille de 15 ans passer un week-end seule chez un photographe de 40 ans, comme si elle se rendait compte qu’elle n’a pas la bonne attitude avec elle…

Elle joue le rôle de la mère responsable, mais son objectif reste que sa fille parte chez cet homme. Elle a des petits éclairs de conscience et de lucidité qui sont rapidement balayés par ses rêves. Ces signaux, ces sursauts, sont étouffés par son ambition. Son rêve prend le pas sur tout le reste, y compris son rôle de mère. A un moment, elle se regarde dans le miroir, et on comprend qu’elle a du mal à assumer sa décision. Elle fait un déni du négatif de ce week-end. Elle cherche quand même des informations sur ce qui s’est passé, elle choisit donc le compromis le plus coupable. J’ai vraiment eu la nausée sur cette scène. C’est terriblement humain, ça n’est pas manichéen. Ça nous permet de réfléchir.

Ce film reflète-t-il votre engagement personnel ?

Je suis en accord avec le combat de Flavie sur le délai de prescription, allonger le délai de prescription, c’est redonner la parole aux victimes qui n’ont pas pu parler. L’épreuve qu’elles ont subie les enferme dans le silence, et le délai de prescription les empêche de reprendre la parole quand elles en sont capables et d’être reconnues comme des victimes. Mais je ne suis pas très engagée. Mon engagement, c’est de permettre aux gens de s’identifier, c’est de réagir à ce que je vois de la société dans des films [Léa Drucker joue également dans un film sur les violences conjugales, Jusqu’à la garde, qui sortira au cinéma le 7 février]. Personnellement, je trouve qu’on subit le concept de réussite : c’est épuisant, écrasant, terrifiant. On est dans une société violente sur ce plan qui amène à des tragédies comme celle que décrit Flavie.

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