décryptageDans «ONPC», on a vu «l'agression d'une victime d'une agression sexuelle»

«On n'est pas couché»: On a vu «l'agression d'une victime d'une agression sexuelle»

décryptageLa séquence qui a opposé Christine Angot à Sandrine Rousseau a été fustigée sur les réseaux sociaux, l’analyse de Gilles Lazimi, du ​Collectif féministe contre le viol…
Christine Angot et Sandrine Rousseau sur le plateau d'«On est pas couché», diffusé ce 30 septembre 2017.
Christine Angot et Sandrine Rousseau sur le plateau d'«On est pas couché», diffusé ce 30 septembre 2017.  - Capture d'écran/YouTube
Anne Demoulin

Propos recueillis par Anne Demoulin

Une séquence fustigée sur les réseaux sociaux. Un clash violent, annoncé dès jeudi par L’Express, a opposé la chroniqueuse d’On n’est pas couché, Christine Angot, à Sandrine Rousseau, victime présumée de Denis Baupin, venue justement témoigner de la difficulté de parler après une agression sexuelle. Que retenir de cette séquence tronquée où le départ du plateau d’Angot a été coupé, mais pas les pleurs de Rousseau ? Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes télévisées contre le viol lancées par le Collectif féministe contre le viol (Association qui gère le numéro national viols femmes information 0800 05 95 95)​, a accepté de visionner ce passage pour 20 Minutes et de le commenter.

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Quelle a été votre réaction en découvrant la séquence en question ?

J’ai trouvé cela troublant. Il y avait sur le plateau deux victimes qui ne tenaient pas le même langage. Christine Angot [qui a été violée par son père durant son enfance comme elle le raconte dans son roman L’Inceste] qui refuse son statut de victime et Sandrine Rousseau, qui souffre en direct, justement parce qu’on lui refuse d’exprimer sa parole de victime et qui a honte de voir que les choses ne bougent pas. Le téléspectateur a vu l’agression sur un plateau de télévision d’une victime d’agression sexuelle qui ose témoigner et relater son agression. C’est la double peine : être victime d’agression sexuelle et se voir reprocher de la dénoncer !

Qu’est-ce qui s’est joué dans cette séquence ?

Ces deux femmes disent la même chose, elles parlent de souffrance. Christine Angot « refuse » son statut de « victime », elle veut qu’on la considère comme une « personne », comme si le mot « victime » était un gros mot ! Elle dit également qu’après une agression sexuelle ou un viol : « On se débrouille ! ». Christine Angot reproche ainsi à Sandrine Rousseau de n’avoir pu régler elle-même cet événement et pense qu’une femme doit se débrouiller seule. On reproche ainsi aux victimes d’agressions sexuelles de s’exprimer et de demander de l’écoute et de l’aide. Tout le monde ne peut pas se débrouiller seul ! C’est un crime et c’est le rôle de la société d’agir, c’est le rôle de tous d’être à l’écoute, de protéger et de tout faire pour que cela cesse et ne se reproduise plus. Quand on a été victime de violence, on règle cela grâce à la parole, à la dénonciation et à la justice.

Quel impact aura cette séquence, selon vous ?

Il est essentiel que les victimes puissent libérer leur parole. Parler, c’est le premier moment thérapeutique, avant la justice. Ce débat était contre-productif, il ne va, hélas, pas aider les femmes à libérer leur parole. Ce qui était étonnant, c’est de voir qu’à aucun moment l’animateur n’a recadré le débat alors que l’une se positionnait sur le plan de la littérature, l’autre, sur celui du témoignage. Sur la question des mots, Christine Angot se trompe lorsqu’elle dit qu’elle préfère « écrivain » à « écrivaine ». Les mots nous changent, et en matière de culture du viol, c’est à nous de les changer, d’arrêter de dire : « Elle s’est fait violer », « Elle avoue », etc. Il faut changer les mots qui favorisent la culture du viol, l’invisibilité des violences faites aux femmes.