MEDIASiTélé: Les raisons de la colère des journalistes

iTélé: Les raisons de la colère des journalistes

MEDIASLa rédaction de la chaîne info, secouée d'inquiétudes quant à son avenir, doit se prononcer sur une motion de défiance à l'égard de la direction...
Fabien Randanne

F.R.

Deux semaines après sa nomination, Serge Nedjar est déjà contesté. Le nouveau directeur d’iTélé, proche de Vincent Bolloré, est loin de faire l’unanimité au sein de la rédaction. Son arrivée a surtout accentué les inquiétudes et crispations des salariés. La tempête pourrait atteindre un pic ce vendredi lorsque sera dévoilé le résultat de la motion de défiance soumise contre la direction d’ iTélé. 20 Minutes vous explique les raisons de la colère.

  • iTélé contrainte à l’austérité

Serge Nedjar, qui est par ailleurs toujours directeur général de Direct Matin, le quotidien gratuit du groupe Bolloré, a une mission/obsession principale : réduire les coûts d’une chaîne qui a enregistré 20 millions d’euros de pertes l’an passé. Les CDD et pigistes seront les premiers à faire les frais de cette nouvelle dynamique : une cinquantaine de contrats ne seront pas reconduits dans les mois à venir.

Les mesures d’économie se ressentiront aussi sur la grille. On sait déjà qu’à la rentrée les deux matinales actuelles – de 5 à 7 h et de 9h à 10h – fusionneront pour une prise d’antenne à 6h. Autant de signaux qui inquiètent un grand nombre de salariés d’iTélé déjà éprouvés par les rumeurs de revente de la chaîne. Il va falloir faire plus avec moins d’effectifs et de moyens, déplorent en substance, les plus soucieux. Pendant ce temps-là, l’écart avec BFMTV, le grand concurrent, se creuse.

  • Une rédaction qui refuse d’être « mise au pas »

La Société des journalistes (SDJ) d’iTélé a adressé une lettre à la rédaction pour appuyer la motion de défiance sur laquelle les salariés doivent se prononcer d’ici à vendredi. Dans la missive figure notamment le déroulé d’une réunion qui s’est tenue le 1er juin, avec notamment Jean-Christophe Thiery, patron du groupe Canal +, Gérald-Brice Viret, directeur des antennes du groupe, Serge Nedjar et le journaliste Olivier Ravanello (SDJ).

Dans une ambiance tendue, Serge Nedjar aurait évoqué la possibilité « d’émailler la grille de rendez-vous sponsorisés qui pourront être proposés comme support à des annonceurs ». Ce qui serait une source de recettes complémentaire aux traditionnelles pages de pub. Face aux réserves exprimées par la SDJ, le directeur d’iTélé se serait fait « véhément » : « Il n’y aura rien à discuter parce que vous ferez ce qu’on vous dit de faire ». Il a ainsi pris l’exemple d’un artiste signé chez Universal [filiale de Vivendi à l’instar du groupe Canal +): « Vous le prendrez, il sera invité dans la matinale et ce sera comme ça (…) Je compte faire ça sur un maximum de choses… Je vais faire entrer des annonceurs. S’il faut parfois faire venir des patrons, on le fera », aurait asséné Serge Nedjar.

Pour la SDJ, cela revient à « mettre au pas une rédaction et (…) lui imposer des compromis avec son éthique et sa rigueur pour donner plus de place aux annonceurs. Serge Nedjar vante souvent le travail qu’il a réalisé chez Direct Matin. » L’association de journalistes s’alarme : « C’est ce modèle éditorial qui nous attend. Moins de moyens pour la fabrique de l’info et plus de place pour les annonceurs. »

  • Audrey Pulvar veut temporiser

Lundi, nouveau rebondissement. Audrey Pulvar a adressé un mail à ses collègues, auquel PureMédias a pu avoir accès. Elle y explique pourquoi elle ne votera pas la motion de défiance, qu’elle qualifie de « levier trop puissant, [actionné] trop vite », contre la direction. « Nous allons vivre deux voire trois années difficiles de plus. Deux ou trois années d’austérité, où nous ne pourrons pas plus qu’aujourd’hui couvrir l’actualité avec les moyens humains et matériels que nous voudrions », se résigne-t-elle.

Mais celle qui présente chaque soir On ne va pas se mentir se veut optimiste « iTélé restera iTélé, parce que produire de l’info, que dis-je, produire 20h d’info en direct par jour, ce n’est pas une activité comme une autre. (…) Nous avons un métier : le journalisme. Nous avons un outil industriel : notre média, son histoire, son ancrage. Nous avons une parole et une force collectives. Nous avons des lois sur les médias et un CSA particulièrement vigilant, pour nous protéger. » Audrey Pulvar appelle ses collègues à juger « à l’épreuve des faits, et non seulement d’incantations ». Cela suffira-t-il à désamorcer la tension régnant à iTélé ?