Dix pour cent arrive ce mercredi soir, et on vous conseille de réserver votre soirée. On vous le disait déjà début septembre, et encore, à l’époque, on n’avait pas vu tous les épisodes… Attachante, impertinente, généreuse en punchlines et instructive en prime sur les coulisses du cinéma, la série de France 2 est d’abord née dans l’esprit de Dominique Besnehard, l’ex-agent artistique ami des stars et réservoir d’anecdotes après plus de vingt ans passés chez Artmedia.
Partant de cette matière brute, la scénariste Fanny Herrero (Kaboul Kitchen, Fais pas ci, Fais pas ça…) et son équipe ont écrit les six épisodes. C’est là que Cédric Klapisch a ajouté sa patte: séduit par le projet que lui avait présenté Dominique Besnehard sur le tournage de Casse-tête chinois, il en signe la direction artistique, ainsi que la réalisation des deux premiers épisodes.
Il a été dit que c’était « votre première série », mais ce n’est pas la vôtre… Comment avez-vous vécu ce rôle d’appui, vous qui êtes d’habitude aux manettes ?
Dire que c’est « ma série », c’est le problème des médias et de leur starification rapide ! Or là, l’impulsion créative est faite par beaucoup de gens. Fanny Herrero, Dominique Besnehard, trois réalisateurs - Antoine Garceau, Lola Doillon et moi, les producteurs Fanny Rondeau et Harold Valentin… C’était très collégial, c’en était troublant ! Ce projet est vraiment lié à une méthode de travail. Avec les deux autres réalisateurs, on faisait le casting ensemble, on était toujours à trois. Et pour la direction artistique, c’était un va-et-vient avec les scénaristes. Je demandais à bouger les choses, soit parce que connaissant les acteurs, je savais qu’ils ne feraient pas ce qui était demandé, que ça ne marcherait pas, ou j’apportais des idées de mise en scène. J’ai ajouté ma patte, mais il y a 80 % des scènes que je n’ai pas bougées d’une ligne !
Qu’avez-vous retenu de la collaboration avec les scénaristes ?
J’ai rencontré une nouvelle génération de scénaristes, nourris de séries US, avec des méthodes d’efficacité. C’était surtout pour rencontrer ces gens-là que le projet m’intéressait. De mon côté, quand l’humour était très outrancier, j’’essayais d’ajouter quelque chose de plus réaliste. Dans cette série, il y a un ton comique et dramatique et pour pouvoir passer de l’un à l’autre et être ému, il faut une base réelle solide.
A chaque épisode son guest. Pour les deux premiers épisodes, Cécile de France, Line Renaud et Françoise Fabian. A en croire Dominique Besnehard, votre nom a été très important pour contrer les refus nombreux et convaincre les guests.
C’est un métier où il est beaucoup question de confiance. La réputation de Dominique et la mienne vis-à-vis des acteurs fait qu’ils se disent que ça ne va pas être totalement merdique ! On promettait le fait qu’on y apporterait du soin, que ce ne serait pas bâclé. Car ils avaient peur…
Nathalie Baye et sa fille Laura Smet, dans l'épisode 3. France 2.
Comprenez-vous qu’il y ait eu une telle méfiance de la part des acteurs, justement ?
Il y avait deux choses. D’abord, le fait pour une star de cinéma de se dire: avec la télé, je vais vers le bas de gamme. Ce qui s’avère de plus en plus faux! Ensuite il y avait la peur de jouer son propre personnage, qui porte son nom. Je les comprends, car on m’a proposé plusieurs fois de jouer mon propre rôle et j’ai refusé! Ça me fait peur. Ceux qui ont accepté, c’était vraiment audacieux.
Quand vous dites que « beaucoup » ont refusé, c’est-à-dire ? Trois sur quatre ?
Oui. A peine un sur quatre acceptait.
Dominique Besnehard assure que dans cette série, que « tout est vrai ». Quel est votre sentiment ? Les magouilles des agents, les caprices des stars, cela reflète ce que vous avez pu vivre ?
Complètement ! Je pense même que la réalité dépasse la fiction. Les caprices de stars, j’en ai eu à chacun de mes films. Le problème, c’est qu’on aime les acteurs pour leur fragilité. Qu’on s’appelle Jean Gabin, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini ou Scarlett Johansson, il faut un mélange de force et de fragilité. La fragilité, c’est un moteur, et c’est là-dessus que le téléspectateur a des émotions. Mais elle a ses revers…
Grégory Montel, Camille Cottin, Thibault de Montalembert, Liliane Rovère, les quatre agents de Dix pour Cent. France 2.
Torturés, perchés dans leurs délires, arrogants, manipulateurs… Les réalisateurs en prennent sérieusement pour leur grade. Sans rancune ?
Oh non, si on demande aux acteurs de le faire, on ne peut pas ne pas se foutre de notre gueule ! Et là encore, on est en dessous de la réalité. Beaucoup de réalisateurs sont plus outranciers dans la vie.
Cette première incursion sur le terrain des séries vous encourage à réitérer l’expérience ?
Oui. Ce qui est vraiment tentant, c’est de raconter une histoire qui dure six heures, de pouvoir développer une complexité sur la durée. Je fais de moins en moins la frontière entre cinéma et série, et j’en regarde de plus en plus.
Lesquelles ?
Les Soprano, The Wire, Six Feet Under, House of Cards, True Detective…. Je regarde surtout des séries américaines, avec quelques exceptions scandinaves ou israéliennes. Je m’y suis mis avec Six Feet quelques années après sa diffusion sur HBO [en 2005]. J’ai regardé les cinq saisons en DVD avant de me rendre compte que j’avais enchaîné soixante heures de programme…
Caricature du cinéma français, chronique de la vie d’une agence… Finalement pour vous de quoi est-il surtout question dans « Dix pour cent » ?
Cela raconte comment des gens qui n’ont rien à voir entre eux vont s’associer. Pour moi, c’est presque l’histoire d’un cirque. On dit souvent de nous, gens du cinéma, qu’on est des saltimbanques. Ou des acrobates, si les gens sont gentils. On demande aux acteurs de reproduire des drames humains, et forcément la réalité de ce travail comporte des drames. La vie d’une agence, c’est le florilège de ces émotions-là.