INTERVIEWClaire Chazal: «Derrière la douceur, il y avait une stratège dingue», pour l’auteure de sa biographie

Claire Chazal: «Derrière la douceur, il y avait une stratège dingue», pour l’auteure de sa biographie

INTERVIEWMarie Bernard, auteure en 2014 d'une biographie de Claire Chazal, revient pour «20 Minutes» sur le départ de la journaliste star de TF1…
Annabelle Laurent

Propos recueillis par Annabelle Laurent

Le départ est inattendu, très précipité. TF1 a indiqué lundi soir que Claire Chazal quitterait les JT du week-end «dans les semaines à venir»… après 24 ans de bons et loyaux services. La faute, sans doute, aux audiences, en perte de vitesse. A tel point que les scores des JT de France 2 n’étaient plus si loin derrière. Impensable pour l’empire dirigé par Nonce Paolini.

Pourquoi une décision aussi brutale? Mais aussi, comment Claire Chazal a-t-elle pu rester si longtemps en poste? La journaliste économique Marie Bernard apportait des éléments de réponse en 2014 dans la première biographie consacrée à la présentatrice - qui n’avait pas ravi l’intéressée: Claire Chazal, une passion française (ed. du Moment, août 2014). La journaliste s’interrogeait alors sur les «vraies raisons» d’une longévité, évoquant une «angoisse permanente de Claire Chazal face au caractère éphémère de son poste».

Reçue sur le Divan de Marc-Olivier Fogiel en juin dernier, Claire Chazal disait «penser souvent, en ce moment», à son départ. «C’est un moment difficile que je ne veux pas affronter aujourd’hui.»

Votre livre dressait déjà l’an dernier un bilan de la carrière de Claire Chazal. Parce que la fin était proche? Comment comprendre ce départ au-delà de l’argument de l’audience?

Je ne pensais pas qu’elle serait débarquée dans l’urgence, si précipitamment. Vous ne changez pas l’équipe début septembre, c’est très étonnant. Mais en réalité, je pensais qu’elle serait évincée avant. Je pense que la direction de TF1 ne l’a pas décidé par peur. A la fois par peur que l’audience s’écroule encore plus, le temps d’installer un nouveau présentateur, et par peur que leur image en pâtisse: la façon dont ils avaient débarqué PPDA [remplacé en 2008 par Laurence Ferrari] était terrible, et il l’a beaucoup raconté. La direction a été traumatisée. Ils doivent être en train de tout faire pour que ça se passe au mieux avec elle, quitte à lui proposer une autre émission. Le plongeon des audiences a en tout cas activé le départ. Un peu plus, et Laurent Delahousse passait devant elle. Et de se faire dépasser par France 2, imaginez, c’est la fin de l’empire! Et puis il y a le rajeunissement de l’audience, son image ne correspondait plus. L’image, c’est les annonceurs, le nerf de la guerre. Il faut que TF1 revoie le journal, et Claire Chazal a toujours fait pression pour que le format ne change pas.

Vous la présentez dans votre livre comme très angoissée à l’idée de perdre un poste pour lequel elle s’est constamment battue…

Elle l’a elle-même toujours dit, parce qu’elle est très transparente sur tout et ne cache rien: elle a toujours eu peur, chaque année. Elle ne voulait pas partir en vacances, par peur de laisser sa place à un joker. Elle s’est accrochée à son poste. Elle envisageait maintenant son départ en mai 2016 avec le départ de Nonce Paolini, elle l’avait dit. Elle doit être très étonnée que ça se passe maintenant. Et elle a cette angoisse d’être oubliée, de passer d’une exposition immense, à rien du jour au lendemain… L’exemple de PPDA lui a fait peur.

A quels grands moments de crise pensez-vous?

Il y a d’abord eu l’élection de Chirac. Elle avait écrit la biographie de Balladur. De la même façon qu’on sait que Sarkozy a été un élément déclencheur dans le départ de PPDA, Chirac aurait pu faire la même chose avec elle, mais il n’en a pas été question. Ensuite, s’il y a une seule date à retenir, c’est 2002, quand Xavier Couture qui était alors directeur de l’antenne rejoint Canal+, et laisse TF1 en plan. Patrick Le Lay [alors PDG de TF1] était dans une rage folle. Comme Claire Chazal était mariée à Xaxier Couture [2000-2003], Patrick Le Lay lui a mené la vie dure, il a été exécrable avec elle. Il aurait aimé la faire partir. Elle était très déstabilisée. Mais tous ses soutiens ont fait bloc autour d’elle: Poivre d’Arvor, Etienne Mougeotte. En 2003, PPDA a organisé une interview croisée avec elle dans Paris Match pour montrer qu’ils étaient le couple inséparable de l’info, et en vantant ses mérites. Patrick Le Lay a laissé passer les choses. Puis il y a eu la grosse menace de l’arrivée de Laurence Ferrari [en 2008]. Si Laurence Ferrari, qui a tenté de moderniser le format du JT, avait réussi son pari, je pense qu’ils auraient licencié Claire Chazal. A son arrivée, Nonce Paolini a également viré beaucoup de gens… Qu’elle reste aussi longtemps n’avait donc rien de gagné. Et là où vous voyez le génie de cette femme, c’est qu’on la voit depuis 25 ans, elle donne l’impression d’être douce, gentille. Ce qu’elle est par ailleurs. Mais derrière il y a aussi une stratège dingue. Je pense que la moitié de son énergie a dû être consacrée à garder son poste.