Coup dur pour M6. La chaîne a été contrainte d’avancer la finale de Rising Star à ce jeudi soir alors qu'elle était initialement prévue pour fin novembre. Il fallait arrêter le massacre. Si l’émission avait attiré 3,8 millions de curieux pour sa première, les audiences n’ont cessé de s’effriter… pour chuter à 1,5 million de téléspectateurs seulement jeudi dernier. La chaîne misait pourtant très gros sur ce télécrochet interactif. Anatomie d’un échec.

1. Un concept bancal

Voter en temps réel et gratuitement pour son chanteur préféré avec son mobile. Rising Star est innovant technologiquement parlant avec son application mobile réussie et fluide. Aucune autre chaîne n’est allée aussi loin dans l’interactivité avec le public. Mais une fois le côté ludique du vote passé, l’émission redevient un télécrochet classique. «Il y a un problème de concept. L’interactivité n’en est pas un. Il faut que les chaînes se le disent une bonne fois pour toutes. C’est un piège. C’est quelque chose en plus mais ça ne suffit pas du tout à faire une émission de qualité», souligne la sémiologue et analyste des médias Virginie Spies. «A côté de ça, il y a The Voice qui a un concept vachement fort».

Le «mur digital», autre vedette du programme, ne suffit pas non plus. «Pour moi, un show TV ne se limite pas à un mur qui monte et qui descend», avait taclé en octobre Simon Cowell, gourou de l’industrie mondiale du divertissement.

2. Un jury pas utile et «agaçant»

Dans Rising Star, les téléspectateurs jugent les candidats. Mais pour appâter le public, il fallait quand même quelques célébrités. C’est ainsi qu’un «jury» a été composé pour la forme (chaque juré a tout de même 7% des voix): le chanteur Cali, la directrice artistique Cathy Guetta, le directeur des programmes de la radio NRJ Morgan Serrano et le chanteur David Hallyday. «On dit au public "le jury, c’est vous", et on crée un jury… On ne comprend pas bien», souligne Virginie Spies. Aliette de Villeneuve, responsable du pôle contenus de NPA Conseil, cabinet spécialisé dans les médias, renchérit: «La mécanique n’est pas claire. L’émission est assez fouillis.»

A côté de cela, le choix des jurés fait tiquer de nombreux téléspectateurs. «Pas légitime» ou «has been» pour certains… Cathy Guetta «agace» particulièrement le public. «C’est plus de fortes personnalités qui ont été mises en avant», fait remarquer Aliette de Villeneuve. Pendant ce temps, TF1 a annoncé que Zazie serait coach dans la prochaine saison de The Voice.

3. Des voix pas assez mises en avant

Si Rising Star a permis à de très jolies voix de résonner à l’antenne, M6 privilégie le storytelling. «De manière générale, il y a un côté pathos, larmoyant. Ca manque d’humour, de tonicité, de rythme (…) Les gens ont l’habitude des talent shows et sont très exigeants», estime Aliette de Villeneuve. «On est immédiatement dans une logique de l’attachement au personnage», déplore de son côté Virginie Spies. Malgré tout, aucune personnalité n’a réussi à s’imposer après son passage dans l’émission: il n’y a pas eu de raz-de-marée pour soutenir un candidat en particulier sur les réseaux sociaux, par exemple.

4. Des animateurs trop «junior» pour un direct

M6 a voulu prendre des animateurs «modernes et connectés» mais a pris un risque en choisissant de confier les commandes de l’émission à Faustine Bollaert et Guillaume Pley. Ce dernier, qui vient de la radio NRJ, était inconnu du grand public auparavant. «On a eu un duo qui s’est marché sur les pieds. On sentait qu’ils n’étaient pas à l’aise», assure Aliette de Villeneuve. Un peu amère de ne pas avoir eu le rôle à la place de Faustine Bollaert, l’animatrice Sandrine Corman a taclé: «Faustine Bollaert et Guillaume Pley (…) l'un et l'autre n'ont pas l'expérience de grandes émissions en direct!»

5. Une concurrence impitoyable

TF1 a mené la vie dure à M6. En face de Rising Star, la une a lancé le mois dernier la saison 5 de la série française Profilage, qui avait enregistré jusqu’à 8 millions de Français en 2013 avec la saison précédente.