TELEVISIONFin de «How I Met Your Mother»: La sitcom à l'ancienne, une espèce en voie de disparition

Fin de «How I Met Your Mother»: La sitcom à l'ancienne, une espèce en voie de disparition

TELEVISIONDepuis «The Big Bang Theory», aucune série misant sur les rires enregistrés et les décors en carton-pâte n'a réussi à s'imposer...
Philippe Berry

Philippe Berry

On prédit régulièrement sa mort. Mais cette fois, la sitcom des années 1990 semble bien avoir du mal à se renouveler. Aux Etats-Unis, l’audience de «The Big Bang Theory» (TBBT) continue pourtant de cartonner, écrasant toute la concurrence sauf «The Walking Dead». Mais avec la fin de «How I Met Your Mother», Sheldon (Jim Parson) est l’arbre qui cache une forêt en piteux état. Selon le critique Saul Austerlitz, auteur du livre Sitcom: Une histoire en 24 épisodes, la tendance actuelle est «à des succès de niches, avec des séries à l’humour plus complexe et plus subtile».

Aucune chaîne n’a accouché d’un véritable succès depuis CBS avec TBBT en 2007. 50% des nouvelles sitcoms sont annulées après une saison, 75% après deux. Même le roi du genre, Chuck Lorre (créateur de «Dharma et Greg», «Mon Oncle Charlie» et «The Big Bang Theory»), n’y arrive plus. Ses dernières productions, «Mike & Molly» et «Moms», réalisent des audiences très moyennes (40% de moins que «How I Met Your Mother», et deux fois moins que TBBT).

Du vieux avec des vieux

Les chaînes ne jettent pourtant pas l’éponge. ABC a ramené la légende Tim Allen dans «Last Man Standing», un flop qui survit à peine le vendredi soir. Cette année, NBC a tenté un coup de poker en misant sur le retour de Sean Hayes («Will & Grace»). Sa série, «Sean Saves the World», a été annulée après une quinzaine d’épisodes. L’an prochain, la chaîne va même sortir Bill Cosby du placard, à 76 ans. Selon Saul Austerlitz, ces vieilles gloires «ne sont pas la solution» pour relancer le genre. «Le public semble s’être fatigué du format et des blagues téléphonées», juge-t-il.

Aux Etats-Unis, deux formats de sitcoms cohabitent depuis cinquante ans. D’un côté, les rires enregistrés, des décors de studio filmés par quatre caméras en même temps (multicamera) pour économiser du temps au montage. Les rois du genre: «I Love Lucy», «Cheers», «Friends», «Seinfeld», «Two and a Half Men», «How I Met Your Mother et «The Big Bang Theory». De l’autre, des productions plus coûteuses avec davantage de scènes en extérieur filmées par une seule caméra, comme «Mash», «Curb Your Enthusiasm», «The Office», «30 Rock», «Modern Family» ou «New Girl».

Austerlitz rappelle qu’historiquement, les succès ont été cycliques: single caméra dans les années 80, puis multi dans les années 90, et un mélange des deux plus récemment. L’avantage des sitcoms old school, c’est qu’elles ne coûtent pas cher. Et en cas de succès, elles durent 10 ans et rapportent gros, notamment en droits de rediffusion («syndication»).

L’émergence d’un genre hybride

D’où vient la fatigue actuelle? «Les jeunes scénaristes de talent s’orientent vers les comédies modernes car il est difficile de toucher aux codes figés de la sitcom», juge le critique. Selon lui, quelques prises de risque récentes comme «Whitney» n’ont pas résonné avec le public.

Plus largement, à l’heure de Netflix, la télévision US se trouve en pleine période transitoire. Trente millions d’Américains rassemblés devant «Seinfeld» à 20h30, c’est terminé. «The Big Bang Theory» peine à atteindre 18 millions, et «Modern Family», 10 millions. «Aujourd’hui, des séries parviennent à durer avec une petite base de fans passionnés comme ''Community'' ou ''Parks & Rec''», relève l’expert. Selon lui, les meilleures comédies actuelles, «Louie», «Girls» et «Broad City», prennent des risques «en brouillant les genres». Le spectateur ne sait pas toujours s’il doit rire, être gêné ou choqué. Peut-être, au final, a-t-il simplement enfin d’être surpris.

» Et vous, appréciez-vous encore les sitcoms à l’ancienne ou vous êtes-vous lassés des rires enregistrés?