«Vaugand» sur France 2: La série qui fait rire les avocats sur Twitter
TELEVISION•Le premier épisode avait été jugé peu crédible. «20 Minutes» a donc proposé à un avocat de visionner le nouvel épisode de «Vaugand», diffusé mercredi à 20h40 sur France 2... Il nous livre ses commentaires, et le producteur lui répond...Alice Coffin
Le 16 octobre 2013, les avocats et juristes qui avaient choisi de regarder France 2 semblaient osciller entre grosse marrade et stupéfaction. Ce soir là la chaîne diffusait le premier numéro de la collection Vaugand. Olivier Marchal y incarne un avocat pénaliste. Objet des railleries des professionnels, le caractère très peu crédible de la fiction.
« Y a-t-il quelque part un confrère qui prépare ses assises avec des pinces à linge ? #Vaugand — Maître Tî (@maitreTi) October 16, 2013 »
« Pour l'instant, si je comprends bien, pour faire du pénal faut mettre ses pieds sur la table et fumer chez les gens qui fument pas #Vaugand — Maître Leina (@leina_hr) October 16, 2013 »
« L'avocat qui veut d'abord juger son client avant de le défendre ça va être compliqué #Vaugand — Dadouche (@jugedadouche) October 16, 2013 »
Mercredi soir, France 2 diffuse le deuxième épisode de Vaugand, «La neuvième marche». 20 Minutes a demandé à Maître Eric Morain de le visionner et de le commenter. Et au producteur de la collection, Pierre Eid de lui répondre.
Les avocats aussi sévères avec le deuxième épisode que le premier
On rappelera que le 16 octobre, Eric Morain estimait que
« On ne va quand même pas suspendre le procès pour la garde à vue d'un des avocats de la défense hein... #LTVaugandPortnawak — Eric Morain (@EricMorain) October 16, 2013 »
« Et hop la petite enveloppe qui va bien nuitamment au travers de la portière d'une voiture... #LTVaugandPortnawak — Eric Morain (@EricMorain) October 16, 2013 »
Après avoir regardé le deuxième opus, il n’a pas changé d’avis et pointe de nombreuses invraissemblances. Exemple: une peine «ahurissante» prononcée par la cour d’assises, le «condamné qui hurle dans le box alors que dans la pratique c’est extrêmement rare», «la rencontre surréaliste entre Vaugand et le Président du premier procès d’assises». Au-delà de ces erreurs factuelles, «ce qui frappe, estime Eric Morain, c’est l’impossibilité pour une fiction française de se détacher des exemples de films américains sur des procès aux Etats-Unis. Le décalque est frappant. Seul un film y était arrivé il y a quelques années, L’honneur d’un Capitaine de Pierre Schönderffer avec Nicole Garcia et Jacques Perrin».
Sans accabler la collection de France 2, l’intérêt est ici de comprendre comment on en arrive à un tel écart avec la réalité des pratiques judiciaires. «Ce n’est pas un documentaire, argumente Pierre Eid, co-producteur avec Alban Etienne chez GMT Productions. Je ne suis pas juriste de formation, il est évident qu’il y a des raccourcis, des facilités, et c’est tout à fait normal que cela suscite des critiques. L'objectif est de faire ressentir la réalité singulière d'un procès en appel. Mais nous devons raconter une histoire en 90 minutes, de la façon la plus simple, la plus rapide et la plus lisible possible. ». Il évoque notamment les difficultés de «temporalités à la fiction». En l’occurrence Eric Morain pointe dans ce deuxième épisode «des délais irréalistes dans la procédure».
Un avocat qui boit un peu trop de whisky
Le professionnel déplore aussi «l’absence incroyable de l’Avocat général» lors du procès, comprenant bien que comme d’autres incohérences, c’est lié à «des enjeux visuels, de mise en scène. Tout est fait pour qu’il n’yait qu’un seul duel: l’avocat de la partie civile contre l’avocat de la défense». Et que le récit se concentre sur Vaugand. Même si souligne Eric Morain, «il faut rappeler qu’on ne peut pas boire autant de whisky et être efficace et lucide dans un procès». Et que «la façon dont l’équipe de défense travaille dans une chambre d’hôtel avec les feuilles du dossier suspendues à des pinces à linge n’a rien à voit avec un travail habituel des audiences mais c’est visuel, cela rappelle le film Des Hommes d’honneur avec Tom Cruise».
Là encore, le producteur assume et explique. «La méthode de Vaugand est une méthode inventée, qui tient à l’imaginaire des scénaristes. Il faut des personnages puissants lorsqu’on met en place une collection». Même s’il reconnait qu’on n'est «pas non plus en absurdie, que quand on le regarde, nous, ça nous fait marrer, l’avocat Eric Morain souligne qu’«une plus grande rigueur n’affecterait pas l’histoire et ferait en sorte qu’on considère Vaugand avec un peu plus de sérieux».