TELEVISION«Envoyé Spécial» raconte la chasse aux homosexuels en Russie

«Envoyé Spécial» raconte la chasse aux homosexuels en Russie

TELEVISION«Envoyé Spécial» s’intéresse ce jeudi soir à ce qu’a changé en Russie la loi anti-gay dénoncée à l’occasion des JO de Sotchi. L’auteur du reportage en raconte les coulisses à «20 Minutes»…
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Le 30 juin dernier, le Parlement russe adoptait une loi interdisant la «propagande» de l’homosexualité devant les mineurs. La fameuse loi anti-gay, dénoncée dans le monde entier à la veille de l’ouverture des JO de Sotchi. Ce qu’elle est aux yeux de son inspirateur? Une «campagne de vaccination», contre «l’infection» qu’est la légalisation du mariage homosexuel en Europe, explique le député Vitaly Milonov à Elise Menand et Madeleine Leroyer, les deux réalisatrices du reportage d’ «Envoyé Spécial» tourné en décembre dernier et diffusé ce jeudi soir.

Une liberté de parole

De Sotchi à Saint Pétersbourg en passant par Moscou, elles témoignent des effets alarmants d’une loi qui a, en quelques mois, «ouvert les vannes d’une nouvelle violence homophobe». En novembre dernier, le même duo signait un reportage choc sur les conditions de détention des prisons russes. Le tournage s’était alors fait sous surveillance. Cette fois, «les services secrets nous ont laissées tranquilles», explique à 20 Minutes Elise Menand. Elles ont pu travailler «sans bâton dans les roues». D’autant qu’elles ont constaté, de la part de certains de leurs interlocuteurs, une grande liberté de parole.

«Ce qui nous a surpris, c’est d'avoir plus de difficultés avec les homosexuels qu’avec les homophobes», commente Elise Menand. «Aucun mal», d’abord, à convaincre le député inspirateur de la loi d'être interviewé. A peine Timur, un «chasseur de professeurs homosexuels» s’est-il méfié d’elles, avant de les accueillir chez lui pour exposer sa méthode pour pousser à la porte, via une infiltration sur les réseaux sociaux, des profs homosexuels. Il se félicite de six expulsions, grâce à l’aide de quelques «200 complices». Aucune résistance non plus de la part d'Okkupay Pedofilyay, un groupe néonazi qui attire des jeunes homos dans des guets-apens pour leur raser le crâne et leur peindre le drapeau gay sur la tête, l’une des leaders comparant cela, sans ciller, à «un safari».

«Toléraste», la nouvelle «insulte à la mode»

Du côté des gays et lesbiennes, en revanche, beaucoup de peur. A Sotchi, on suit Vladislav qui, à 17 ans, est harcelé quotidiennement pour avoir décidé d'assumer son orientation sexuelle. Dans la maison où il s’est réfugié avec une dizaine de colocataires homosexuels, «pas un n’a voulu nous parler, même hors caméra. Et ils sont les premiers à lui reprocher de le faire». Les autres sont rencontrés dans le cadre d’associations, d’un festival de cinéma gay et lesbien. Surtout pas chez eux, «par peur qu’on puisse ensuite les repérer».

«C’est très significatif de ce qui se passe. La parole homophobe est devenue complètement légitime», explique Elise Menand. Quant à l’étiquette de journaliste français pour enquêter, elle est à la fois un passe-droit pour ceux qui se méfient des médias russes, un moyen de s'entendre dire, de la bouche du député Vitaly Milonov, que François Hollande est le «portier de l'enfer». Une étiquette qui leur a aussi valu, «à plusieurs reprises, d’être traitées de toléraste». «Tolérant et pédéraste. C’est la nouvelle insulte à la mode. Car pour eux la tolérance est mauvaise. Ils rappellent que c’est un terme médical. Quand l’organisme devient tolérant à un virus.»