La Bible, un enfer pour les scénaristes télé
•SÉRIE – Paris Première diffuse la série américaine «La Bible», ratage esthétique complet qui a séduit des millions d’américains…Benjamin Chapon
Les succès d’audiences américains sont presque aussi impénétrables que les voies du seigneur. Paris Première va diffuser chaque dimanche soir «La Bible», série télé ridiculement démonstrative et à l'esthétique archi-kitsch qui a pourtant séduit, en moyenne, 11 millions de téléspectateurs par épisode sur History Channel. Bien sûr une saison 2 est en cours et un studio imagine déjà une version cinéma.
La Bible a eu des fortunes diverses sur grand écran, du désastre de La Passion par Mel Gibson au sommet, un peu daté mais mythique, des «Dix Commandements» de Cecil B. DeMille. A la télévision, «La Bible» est le dernier avatar, le plus richement paré, d’une longue série de tentatives. Du moins aux Etats-Unis. Camping Paradis mis à part, la France est, elle, épargnée.
Bon libre, mauvais scénario
«En France, la télévision ne s’attaque pas à la Bible, à part avec de petites pastilles pédagogiques, explique Thierry Jouvenceau, scénariste qui travaille actuellement à une «Histoire des religions» en courts dessins animés. Le Nouveau testament a un personnage central, Jésus, et des péripéties qui font écho à des valeurs solubles dans notre imaginaire contemporain. Pour l’ancien testament, c’est plus compliqué.»
Le scénariste américain Morgan Francis a fait le décompte des problèmes que doit affronter un scénariste censé adapter la Bible, dans Variety. «Les producteurs ont tendance à penser qu’il n’y a pas besoin de scénaristes puisque que tout est déjà dans le livre. C’est évidemment faux. La Bible est incompréhensible sans un travail d’adaptation.»
Au prochain épisode, Caïn tuera Abel
Si les croyants prosélytes se satisfont d’une série à succès, quel qu’en soit ses défauts, plusieurs prêtres américains se sont plaints des raccourcis grossiers empruntés dans la série. «La Bible n’est pas une histoire continue, c’est un livre saint qui appelle à l’interprétation et à la prière, a estimé le père Andrew Sullivan dans la revue Exploring History. Ça n’a pas de sens de raconter le meurtre d’Abel par Caïn, qui est traité en six mots dans la Bible. Mais ça a du sens d’éprouver ce récit en écho avec nos vies, notre époque.»
La série «La Bible» a été créé par Mark Burnett, inventeur de l’émission Survivor (devenue «Koh Lanta» en France) après ce qu’il décrit comme un élan de foi. Mais le Père Sullivan n’a pas digéré la manière dont la série traite des épisodes de Job ou d’Abraham. «Dieu est présenté comme sadique et versatile, c’est absurde!» L’homme d’église risque fort de s’étrangler à la découverte de «Noé», blockbuster de 2014 où Russel Crow et Emma Watson affronte le Déluge.
Après la pub, Moïse traverse le désert
Par ailleurs la complexité de l’histoire de La Bible rend l’exégèse difficilement réductible aux formats de la sérié télé. «La tentation est grande de ne garder que les moments de bravoure, de haute tension psychologique ou qui permettent des scènes spectaculaires, raconte Morgan Francis. Mais quelle histoire raconte-on avec ça? Et la dimension mystique y survit-elle?» Spectateur de peu de foi!