SERIESPourquoi doit-on attendre si longtemps les suites des séries françaises

Pourquoi doit-on attendre si longtemps les suites des séries françaises

SERIESLe DG de Canal+ Rodolphe Belmer a pointé dans une tribune dans les «Echos» l’«incapacité des auteurs à créer en équipe» comme aux Etats-Unis. La Guilde des scénaristes réagit en appelant à un meilleur financement des ateliers d’écriture et à la reconnaissance du rôle du «showrunner»...
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Lundi soir, la série «Les Revenants» remportait un International Emmy Award. Une reconnaissance de plus pour l’excellente création française, qui «place l’image de la série télévisée française en pleine lumière», s’est félicitée Aurélie Filippetti. Peut-être avez-vous vu la saison 1, en novembre 2012. Le tournage de la saison 2 est prévu en février 2014, pour une diffusion à l’automne. Idem pour «Ainsi soient-ils», sur Arte: la saison 1 en octobre 2012, la saison 2 deux ans plus tard, à l’automne 2014. Vous perdez patience?

Pas de volume car pas de collectif

Le succès des séries françaises en France et à l’étranger, ces dernières années, est indéniable, reconnaît Rodolphe Belmer, le DG de Canal+, dans une tribune publiée dans les Echos le 18 novembre. Mais «il reste un problème: la fiction française n’arrive pas à produire en volume», quand, à la télévision américaine et britannique, chaque année voit débouler une nouvelle saison de «Dexter» ou de «Downton Abbey».

Son explication? «L’incapacité de nos auteurs à créer en équipe» comme à l’étranger dans les fameux ateliers d’écriture où plusieurs dizaines d’auteurs abordent ensemble «l’œuvre colossale» qu’est une série. En France, «la logique de création collective» n’est pas enclenchée, et ce à cause d’une «formation académique individualiste», là où «la capacité à créer en commun est un enseignement fondamental dans d’autres pays».

Les scénaristes aussi réclament le modèle américain

Trop faible, le volume des séries françaises? Le «diagnostic est partagé» par la Guide des Scénaristes, réagissent dans un communiqué les 300 scénaristes de cinéma et télévision qui la composent. Leur réponse: «Donnons-nous les moyens de nos ambitions!». L’écriture en collaboration existe depuis plus de 15 ans, rappellent-ils, citant «PJ», «No Limit», «Fais pas ci, Fais pas ça» ou «Plus belle la vie». Pour eux, pas «d’hypothétique allergie des auteurs au collectif», c’est «la chaîne de production dans son ensemble» qui ne promeut pas l’esprit collaboratif.

La Guilde appelle d’une part au financement des ateliers d’écriture, sur le modèle américain où le travail en «writing room» est rémunéré à partir de 4.000 dollars par semaine. En France, les auteurs sont payés pour les textes qu’ils remettent en producteur. Pas du tout en amont, ce qui les oblige «pour gagner leur vie, à cumuler des projets, ce qui peut ralentir la période d’écriture d’une saison», explique la Guilde.

A quand un Vince Gilligan français?

Deuxième condition pour augmenter le volume, donc raccourcir l'attente entre deux saisons: encourager l’existence de «showrunners», auteurs-producteurs qui aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Scandinavie supervisent l’écriture et articulent tous les aspects de la production, tel Vince Gilligan pour «Breaking Bad». Parce que son rôle «entre en concurrence avec une conception historique ancienne des rôles de producteur et parfois du réalisateur», son pouvoir est craint en France, regrette la Guilde.

«Le rôle de Frédéric Krivine pour "Un Village Français" ou de Fanny Robert et Sophie Lebarbier pour "Profilage" s’approche de celui d’un showrunner, mais c’est un hold-up, grâce à une personnalité charismatique», explique à 20 Minutes Stéphane Carrié, scénariste sur des séries comme «Falco», «Profilage» ou «R.I.S».

«Je crois en la fiction française de télévision», écrit Aurélie Filippetti, «et pour la développer j'ai lancé le 9 septembre une formation supérieure dédiée à la création de séries TV au sein de la Fémis». Un cursus qui intègre une forte dimension collective.