Christian Terras : «Un téléfilm pour rester en alerte sur la pédophilie dans l'Eglise»

Christian Terras : «Un téléfilm pour rester en alerte sur la pédophilie dans l'Eglise»

INTERVIEW- Christian Terras, fondateur du journal catholique critique Golias, a été consultant sur le téléfilm consacré à la pédophilie dans l’église «Le Silence des Eglises».
Propos recueillis par Anne Kerloc'h

Propos recueillis par Anne Kerloc'h

Fondateur de la revue Golias « journal catholique tendre et grinçant », Christian Terras a enquêté depuis 20 ans sur les affaires de pédophilie dans l’Eglise. Contacté par la productrice Sophie Révil, il s’est entretenu à plusieurs reprises avec le scénariste pour donner des éléments de réel à la fiction Le Silence des Eglises, mercredi sur France 2.

Qu’est-ce qui selon vous était crucial à faire passer dans le scénario ?

Le fait qu’il y a eu une omerta pendant des années pour protéger les prêtres pédophiles. Quelque délit ou crime qu’ait commis un prêtre il était considéré par sa hiérarchie comme ne devant pas relever d’un système de sanction profane, judiciaire. Il était couvert par sa hiérarchie. Des évêques ont pu écouter des victimes mais sans leur accorder le droit à la justice et à la vérité. Il me semblait que dans la fiction devait apparaître la convergence de deux perversions : celle, personnelle, de prêtres en déséquilibre psycho-affectif qui commettait les actes, et celle, institutionnelle de l’Eglise qui a couvert les agissements et n’a jamais remis en causes la formation et le parcours des gens qui accèdent à la prêtrise. A cause de la raréfaction des vocations, l’Eglise a eu tendance à accepter des personnes sans trop regarder à leur équilibre psychologique et leur capacité à être prêtre…

Que trouvez-vous juste dans le téléfilm ?

Le personnage du prêtre, incarné par Robin Renucci est remarquablement interprété, pas caricatural. On sent en permanence le double jeu et le double langage, et donne le change. On comprend qu’il soit aussi bien considéré, que des familles aient pu se laisser enfariner.

A propos des familles, on voit dans le téléfilm une mère dont l’enfant s’est suicidé après des abus mais qui refuse d’incriminer le prêtre…

J’ai croisé de nombreuses familles qui présentaient des réactions similaires. Elles avaient intériorisé très fortement le fait que le prêtre était une figure sacrée et intouchable, et un ami de la famille qui plus est. L’enfant n’était pas entendu, ou alors des années plus tard. Celles qui ont fini par le croire ont souvent encore tendance à vouloir régler les choses sans porter plainte, sans faire du tort à l’Eglise. Il faudra du temps.

Le fait que le service public conscrare une fiction en prime-time, suivi d'un débat est un geste fort...

Oui, d'autant que la fiction, après des années de sujets dans les médias sur cette question de la pédophilie, permet de reposer sereinement la question en étant en alerte et vigilance. C'est un peu un point de situatiion.

Sans dévoiler la fin, on a l’impression que là, elle est un peu plus proche de la fiction que du réel…

Disons que cette fin là est très rare! Mais je pense que justement, elle prend date pour l’avenir. En matière de pédophilie dans l’Eglise et du traitement de ces affaires, en France, on est au début de l’histoire.