TELEVISIONLa «scripted reality», une fiction comme une autre?

La «scripted reality», une fiction comme une autre?

TELEVISIONLe CSA s'interroge sur la «réalité scénarisée», ce nouveau format à la mode arrivé sur le petit écran la saison dernière aussi bien sur les chaînes historiques que sur la TNT...
Anaëlle Grondin

Anaëlle Grondin

«Au nom de la vérité» (TF1), «Le jour où tout a basculé» (France 2), «Si près de chez vous» (France 3), «Les Ch’tis à Mykonos» (W9) ou encore «Hollywood Girls» (NRJ 12). Ces programmes, a priori très différents les uns des autres, ont pourtant un point commun: ils sont étiquetés «scripted reality» («réalité scénarisée») par leurs producteurs.

Ce format à la mode, arrivé il y a près d’un an à la télévision, reste toutefois obscur. Tant pour les téléspectateurs que pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui commence à s’y intéresser de près. «C’est un genre hybride qui repose sur une structure de fiction et emprunte les codes narratifs du magazine ou de la téléréalité, explique Estelle Boutière, consultante chez NPA Conseil, contactée par 20 Minutes. En général, l’histoire est écrite par des scénaristes, il y a des dialogues ou intentions de dialogues, les scènes sont jouées par des comédiens. Mais dans la forme, il peut y avoir des "face caméra" ou encore une voix off, qui ne sont pas des éléments utilisés dans la fiction.»

«Effet d’aubaine pour les chaînes»

C’est là que la tâche se complique pour le CSA. Le gendarme de l’audiovisuel doit prochainement trancher une épineuse question après des auditions prévues en novembre avec les producteurs, les sociétés d'auteurs et les chaînes: dans quelle catégorie juridique classer ce genre? Les «scripted reality» peuvent-elles être assimilées à des fictions? «On va examiner au cas par cas, regarder attentivement les génériques, qui nous donnent des éléments pour vérifier si tel ou tel programme est effectivement une fiction», nous répond Francine Marini-Ducray du CSA.

L'enjeu est de taille pour les chaînes. Certaines doivent remplir un quota minimum annuel de diffusion et de production de fiction française. Si les émissions de type «scripted reality» sont considérées comme telles et si ce genre entre dans les obligations des chaînes, «le risque, c’est ce que ce soit au détriment d’autres formes de fictions», réagit Estelle Boutière.

«On n’est pas là pour avoir un César»

Car l’avantage premier de ce nouveau format, qui cartonne depuis plusieurs années en Allemagne, est son côté «low cost». «Hollywood Girls», regardé par près de 400.000 téléspectateurs en moyenne depuis le début de la saison 2, est «tourné avec des moyens de téléréalité», affirme Thibaut Vales, producteur de l’émission. Le coût d’un épisode? «Entre 30.000 et 50.000 euros», nous confie-t-il. A titre de comparaison, la fiction de France 3 «Plus Belle la vie, c’est 100.000 euros», assure Estelle Boutière de NPA Conseil. «Il y a un effet d’aubaine pour les chaînes. Les tournages sont courts avec des moyens réduits, il y a un petit nombre de lieux et de comédiens. C’est un genre rentable, qui fonctionne bien, capable de fidéliser. On peut en produire une centaine, ça se rediffuse bien», ajoute la consultante.

«Pour "Hollywood Girls", il y a des auteurs, une histoire, mais pas de dialogues écrits. Les comédiens improvisent. Comme ils n’ont pas besoin d’apprendre des dialogues, ça va vite. On tourne l’équivalent d’un épisode de 22 minutes par jour», indique Thibaut Vales. Le producteur souligne que la «TNT n’a pas les moyens de se payer les mêmes fictions que les chaînes historiques» et compte bien en profiter. Sa boîte de production «va sortir d’autres ‘scripted reality’ l’année prochaine sur d’autres chaînes».

Questionné sur la qualité de ces nouvelles émissions, Thibaut Vales nous répond cash: «Ce n’est pas du grand art, on en est conscient. On veut faire de la fiction légère, type "soap opera". On n’est pas là pour avoir un César».