Roland-Garros: Même retraités, comment les anciens joueurs arrivent à squatter le tournoi?
TENNIS•Ils sont partout dans les allées…Julien Laloye
De notre envoyé spécial,
C’est un sentiment qui nous pénètre souvent au petit matin, quand les allées sont endormies et qu’on ouvre grands les yeux en marchant vers le centre de presse. Un John Mc Enroe par-ci, un Mats Wilander par-là, un Alex Corretja au milieu. Manquerait plus qu’un jeu de carte, un feu de cheminée, une télé branchée sur Koh Lanta et on y serait : la maison de retraite pour vieilles gloires du tennis des Mimosas Roland-Garros, au 2 avenue Gordon-Bennet dans le XVIe arrondissement (visites permises en journée la première quinzaine de juin). Un phénomène qui n’a pas laissé les fins limiers que nous sommes, insensibles. 20 Minutes vous explique les meilleurs plans de la quinzaine pour ancien joueur en manque d’activité.
NB : Le cumul des mandats n’était pas encore puni par la loi en tennis, certains arrivent à manger à plusieurs râteliers en même temps.
Le plus valorisant >> Coach d’un gros joueur
Le circuit s’est retrouvé tout excité du retour dans le game d’André Agassi, au conseil de Djokovic. Maintenant qu’il est reparti, il faut avouer qu’on n’a jamais croisé le crâne luisant de l’Américain en dehors des matchs du Serbe et des entraînements. Tout le contraire de Magnus Norman ou de Goran Ivanisevic, qui, comme vous et moi, débarquent à la cantine à midi pour profiter de l’entrecôte-frites à 11 euros au restaurant des joueurs. (sauf que nous, bon, on a juste le droit de regarder).
>> Notre plus belle anecdote sur ce thème ? Une discussion à bâtons rompus entre Sébastien Grosjean et Sergi Bruguera, qui entraînaient Richard Gasquet ensemble avant que le premier ne change de crémerie pour donner quelques tips à Nick Kyrgios. On parle de l’Australien, justement, et de son pétage de câble contre Anderson. Grosjean détaille : « Il menait un set, et un break, tranquille, il perd son service, et là il fracasse sa raquette et c’est terminé. » Regard désabusé de Bruguera : « Non ??? » Grosjean : « Si, je te jure. » Ou comment continuer à être sur le court par l’intermédiaire de son poulain.
Mais là, on parle du high level des entraîneurs, ceux qui ont claqué un Grand Chelem ou pas loin, et qui ont déjà le totem de légitimité. Mais le coaching peut aussi offrir une deuxième jeunesse beaucoup plus glorieuse à des joueurs moyens, comme l’était Thierry Ascione. 81e au zénith de sa carrière, le Français fait désormais partie des coachs qui comptent : Tsonga chez les hommes, Svitolina chez les femmes. Résultat, le gars se trimballe pépère à Roland depuis le premier dimanche et il peut encore viser la finale.
Le plus évident >> Consultant sur France TV
La plus grande recyclerie des ex-tennismen français. Mais pas n’importe lesquels. France TV, c’est la Rolls Royce du consultant, ça se mérite. Il faut avoir claqué au minimum une Coupe Davis (Arnaud Clément), un Grand Chelem (Mary Pierce), ou à défaut, avoir eu des fonctions à la Fédération (Arnaud Di Pasquale, ancien DTN). Paumer une finale de Coupe Davis en perdant tes deux points marche aussi (coucou Micka Llodra).
Florent Serra, 36e mondial en 2006 et désormais consultant sur RMC et BFM, nous raconte comment le recrutement s’opère :
« « J’ai pensé à ma reconversion assez vite et bosser dans les médias m’intéressait. Pour mon dernier Roland, un journaliste de France TV m’avait promis de m’inviter sur la terrasse. J’attends toujours. Il m’avait aussi dit qu’il pensait à moi pour un job de consultant. J’attends toujours. Après, je comprends bien que je n’ai pas la légitimité d’un Arnaud Clément. RMC, ça s’est fait très vite par l’entremise de Sarah Pitkowski. En plus des commentaires, je participe de temps en temps au Moscato show ou aux Grandes Gueules. Ils y vont fort avec les joueurs français, surtout sur les histoires de Coupe Davis, je suis obligé de monter au créneau pour les défendre. Et puis je m’entends bien avec pas mal d’entre eux, comme Gilles Simon, je ne vais pas les flinguer. C’est à ça que je sers, essayer de passer un peu de temps avec les mecs pour avoir des infos en plus. Bon, là j’ai demandé à Jo après sa défaite face à Olivo, il n’était pas très chaud. Si j’avais pas ce job, c’est clair que je ne viendrais pas passer deux semaines à Roland. Ça me permet de rester dans le milieu ». »
Evidemment, il y a parfois quelques ratés dans la pépinière de talents. Prenez Alizé Lim par exemple : un physique agréable, un bon niveau d’anglais, et la voilà bombardée intervieweuse de Rafa Nadal dans le player’s lounge « parce qu’elle connaît bien le milieu », selon la direction des sports. Twitter s’en tape encore les cuisses, même si la jeune fille est plus intimidée qu’autre chose sur la vidéo.
Le plus concurrentiel >> Intervieweur bord de terrain après les matchs
A Paris, ils sont trois anciens tricolores à partager cette tâche, entre le Chatrier et le Lenglen. Cédric Pioline, Fabrice Santoro, et Marion Bartoli. Impossible de savoir combien de candidatures ont été rejetées, « c’est un choix qui dépend de l’organisation du tournoi (= Guy Forget),et les intervenants choisis sont briefés et formés pour la quinzaine », nous indique-t-on à la Fédération. Pas sûr que Marion Bartoli, qui est également consultante pour Eurosport, pour la BBC, et pour certains médias asiatiques, ait vraiment besoin d’une formation quelconque. Mais la Française a encore du boulot pour concurrencer « Fabulous Fab ».
aL’ancien magicien des courts a réussi à faire de son interview d’après-match un événement à lui tout seul, surtout quand il s’agit de faire mumuse avec Novak Djokovic, toujours partant pour une bonne blagounette. L’an passé, le Français s’était pointé en ciré jaune, et ça avait bien fait marrer le Serbe. Santoro sait aussi sentir l’atmosphère. Après le triomphe de Mladenovic contre Muguruza,il a simplement choisi de laisser le micro à la Française pour qu’elle s’offre un joli moment de communion avec un public chaud bouillant. L’ancien partenaire de Llodra en Coupe Davis a également pris soin de demander hors micro à Andy Murray s’il avait envie de dire un mot sur les attentats qui ont endeuillé Londres la veille de son match. Assentiment de l’Ecossais, et belle réponse au passage.
a« « Ce qui s’est passé à Londres est une tragédie, comme ce qui est arrivé à Manchester il y a six ou sept jours, ou à Paris récemment, a déclaré l’Écossais. Je suis certain que tout le monde se joindra à moi pour avoir une pensée et des prières à l’attention de ceux qui ont été affectés par ces événements. Je vous suis reconnaissant de venir malgré tout nous soutenir, j’ai de la chance de jouer devant vous. » »
Le plus amusant >> Participant du Trophée des Légendes
Le grand moment de détente de la deuxième semaine de Grand Chelem, quand les glorieux anciens viennent amuser la foule sur les courts annexes, principalement en double parce que les varices commencent à tirer. On était au restaurant Le Roland-Garros pour la photo de famille, et voilà tous ceux qu’on a repérés : Carlos Moya, Juan Carlos Ferrero, Pat Cash, John Mc Enroe, Mansour Bahrami, Henri Leconte, Lindsay Davenport, Aranxta Sanchez, Andreï Medvedev, Nicolas Escudé, Thomas Enqvist, Gaston Gaudio.
L’inoubliable vainqueur de l’édition 2004 est un cas à part dans cette liste.L’Argentin ne s’est jamais vraiment remis de sa victoire, sombrant même dans la dépression après une fin de carrière difficile. Toujours fragile, Gaston erre comme une âme en peine au salon des joueurs pendant toute la quinzaine, le téléphone à l’oreille et le regard triste. Il est en haut à gauche sur la photo de groupe, à côté de Juan Carlos Ferrero, et il acquiesce de manière un peu trop automatique quand l’Espagnol lui parle, comme si son esprit était ailleurs. Au milieu de tous ces néo-retraités heureux comme des gamins de rejouer au champion, on en a trouvé un qui a l’air de se demander ce qu’il fait là. Ça ne devrait pas l’aider à se faire recruter par France TV.