XV de France: «On est une nation de seconde zone, il faut en être conscient», rappelle Fabien Galthié
RUGBY•Le consultant de France 2 sur les matchs des Bleus dresse un constat implacable sur leur place actuelle dans la hiérarchie mondiale…Propos recueillis par N.C. et W.P.
Où en est le XV de France ? Après les défaites face à la Nouvelle-Zélande en novembre dernier ou l’Angleterre en début de Tournoi, on se disait qu’au moins, le projet de jeu de Guy Novès se mettait en place peu à peu. Le match contre l’Ecosse ensuite a été moins abouti, mais il a eu le mérite de se conclure par une victoire. Et puis contre l’Irlande, la cassure. Impuissants et sans idées, les Bleus ont donné le sentiment de stagner. Au mieux. Pour le consultant de France 2 Fabien Galthié, le constat est simple : il faut arrêter de considérer la France comme une nation majeure du rugby mondial.
aOn critique beaucoup les Bleus. Est-on trop exigeant, finalement ?
Les chiffres parlent. Sur ces dernières années, on a régressé. Depuis 2007, l’équipe de France a décroché lentement mais sûrement du podium des meilleures nations mondiales, et ensuite de la première division. Aujourd’hui, on est avec les nations de seconde zone, autour de la 8e place. Il faut être conscient de ça. Il va falloir du temps pour revenir. C’est pratiquement une génération de joueurs sur laquelle il faut travailler pour se remettre à niveau.
Il faut donc oublier tout espoir de bons résultats pour quelques années ?
Le problème, c’est qu’on ne peut pas. Il y a forcément de l’attente dès que la France joue. La pression liée aux résultats sera toujours là. Mais on n’est pas si loin des meilleurs. On ne gagne pas souvent, c’est vrai. Sept fois sur les 35 derniers matchs face aux 6 meilleures nations mondiales, je crois. Après, la bascule peut se faire. Ce qui est embêtant avec cette équipe, c’est qu’un coup on y croit, un coup on est déçu. Après on se met à y croire à nouveau, et puis une autre déception arrive… On se dit « mais mince, c’est pour quand ! ».
Est-ce qu’il n’y a pas une barrière psychologique aussi chez les Français ? A l’image des difficultés à conclure quand on arrive à 5 mètres de la ligne…
Peut-être… C’est vrai que toutes actions, notamment contre les Blacks, sont symboliques. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a encore beaucoup de paramètres qu’on ne maîtrise pas et qui font qu’on ne comble pas ce maigre écart avec les meilleurs.
Ces dernières années, les Bleus ont essayé le jeu d’occupation, le jeu à la main… avec un même sentiment d’échec. C’est quoi l’identité du rugby français ?
Ce n’est pas aussi simple que ça. Il faut bien comprendre que le rugby est un sport très organisé, avec des schémas très précis. Pour prendre à défaut une défense, il faut la déstabiliser, et donc être difficilement lisible. La difficulté, c’est avoir de la variation tout en gardant une base équilibrée. Un plan de jeu au pied, il en faut un, même quand on privilégie la main. Un plan de jeu au large, il en faut un. Un plan plus pragmatique, dans l’axe, aussi. Un projet, c’est un équilibre, ensuite il faut un facteur déclencheur qui permettra aux gars de s’épanouir. Ça peut être un joueur en particulier, ou une façon de jouer. Et ça, on ne l’a pas encore trouvé.
On a tendance à dire que plus le Top 14 se développe et attire des grands noms, moins le XV de France gagne. C’est aussi votre avis ?
Oui, parce qu’il y a trop de joueurs étrangers, que ce soit en Top 14 ou en Pro D2. Même en Fédérale 1, il y a une proportion trop importante de joueurs étrangers, qui empêchent l’optimisation des potentiels des joueurs français. Ce paramètre compte énormément. Je parlais d’équilibre dans le jeu, il en faut aussi dans l’organisation en faisant attention à la place des joueurs français dans les compétitions.
aLes contrats fédéraux défendus par Bernard Laporte, c’est la bonne solution ?
Ce qui est certain, c’est qu’il en faut une, de solution. Les contrats fédéraux, ça fonctionne chez les nations composées de provinces [Irlande, pays de Galles]. Pour moi, le modèle à suivre, s’il en faut un, c’est le modèle anglais. Ils ont des clubs et des ligues fortes, que ce soit leur première ou leur seconde division, et ils ont une liste de joueurs protégés. En ça, ça ressemble à la France, mais leurs internationaux sont davantage disponibles pour la sélection [notamment avec un stage de préparation physique à chaque début de saison, un suivi personnalisé et une mise à disposition élargie]. Et ça marche bien.