Son essai, on en a rêvé toute la nuit. Il faut dire qu’il y avait tout. La malice d’un Dominici pour sentir le retour intérieur, le sens de l’improvisation de Campese pour voir le trou, la puissance de Lomu pour réussir le dernier cadrage débordement qui change tout, et la vitesse d’Habana pour laisser le dernier défenseur australien nez dans le gazon. Comment ça, on s’enflamme sur Teddy Thomas? Une victoire du XV de France et une action tonitruante le même soir, c’est seulement qu’on n’avait plus l’habitude.

«Des choses que je ne contrôle pas»

Revenons donc à cet exploit de Thomas. Six défenseurs wallabies dans le vent et une finition entre les poteaux à un moment où les Bleus tournoyaient autour de la ligne australienne avec l'acuité de frelons sous ecstasy. Autant dire qu’il ne pouvait pas mieux tomber, même si le garçon garde profil bas. «Guilhem (Guirado) me fait une excellente passe. J’essaye de jouer mes duels, heureusement pour moi, c’est passé. C’est au feeling. Ce sont des choses que, parfois, je ne contrôle pas. Après le match, le sélectionneur est venu me voir pour me dire que c’était très bien. Il a dû en marquer des similaires». De similaires, peut-être, mais le sélectionneur n’a pas démarré sa (brillante) carrière internationale par quatre essais en deux matchs.

Philippe Saint-André ne s’est d’ailleurs pas forcé pour complimenter le trois-quarts du Racing. «Je suis ancien ailier, tu demandes à un ailier de marquer des essais, il en marque quatre en deux sélections. il a travaillé pour l'équipe et son talent lui a fait marquer un essai qui pour un ancien ailier, franchement...Chapeau bas!» En une action de classe et un match plein d’insouciance contre les Fidji la semaine précédente, l’ancien biarrot a déjà fait tourner la tête au rugby français. Bernard Laporte réclamait presque la canonisation du jeune homme avant l’Australie. «Le XV de France a besoin d'une image, d'une icône. Si ça peut être lui, tant mieux! Il a un look, il dégage quelque chose. Ça peut être l'icône du rugby français».

«Un gars qui gagne toujours ses duels»

Chabal et Michalak balayés en deux semaines par la grâce d’un essai mémorable et d’une bouille sympatoche? C’est peut-être aller vite en besogne à propos d’un garçon qui a surtout profité des blessures et des absences (Andreu, Imhoff) pour jouer au Racing en dépit de défauts gros comme un Bastareaud: Thomas commet encore des fautes de concentration grossières, et il défend comme une porte de saloon, par exemple sur l’essai australien d’Ashley-Cooper au stade de France. «Il a travaillé la défense avec Ronan O'Gara. Il est encore jeune, il a des absences et il doit devenir encore plus régulier, expliquait récemment son entraîneur Laurent Labit dans Sud Ouest. Mais c'est un finisseur, un gars qui gagne toujours ses duels. Et puis surtout, il a un truc: il est aspiré par la ligne. Il y a peu de joueurs français avec un potentiel comme ça.» C’était bien ce qu’il nous semblait.