Arbitrage vidéo: Les balbutiements dans le rugby condamnent-ils son utilisation dans le foot?
FOOT/RUGBY•Les arbitrages vidéo cassent trop le rythme des matchs de Top14...B.V.
Longtemps les défenseurs du recours à l’arbitrage vidéo dans le football ont appuyé leurs arguments sur le rugby. «Si l’arbitrage vidéo fonctionne au rugby, pourquoi ne fonctionnerait-il pas au foot? Le secret de l’arbitrage vidéo, c’est de le limiter, de le réglementer, comme au rugby.» Oui mais voilà, depuis la reprise du Top14 et un élargissement des possibilités d’appel à l’arbitrage vidéo, le championnat de France est plongé dans une polémique inattendue. En question: des arrêts vidéo trop fréquents qui coupent le rythme, allongent les rencontres, téléguident les arbitres et n’éliminent même pas les controverses.
«La boîte de Pandore»
Si bien qu’après à peine deux journées, Didier Mené a pris des mesures. «Pour un quart des cas le trio arbitral aurait dû se passer de la vidéo, regrette le président de la commission des arbitres. On ne peut pas arrêter un match toutes les cinq minutes […] et on ne peut pas demander la vidéo sur tous les essais du Top 14…» Bref, un jeu haché, dénaturé, désagréable à regarder: tout ce que craignent les anti-vidéo dans le football.
L’un des plus virulents d’entre eux, Michel Platini, a d’ailleurs sauté sur l’occasion, stigmatisant l’arrivée de la vidéo dans le foot avec la Goal Line Technology: «On a ouvert la boîte de Pandore comme je l'avais dit, souffle le président de l’UEFA. Regardez le rugby, les télés demandent de commencer les matchs plus tôt car ils durent plus longtemps, puisque toute action nécessite le recours à la technologie. C'est un gros problème.»
Un cinquième arbitre avec un écran?
«Le souci avec un éventuel usage de la vidéo, c’est de casser une action et de se rendre compte que l’arbitre avait finalement raison, ajoute Bruno Derrien, ancien arbitre international. Le rugby est un sport plus séquencé, moins en continuel mouvement que le football. Il se prête beaucoup plus à ce genre de cassures.» Une conviction partagée par l’entraîneur de Toulouse, Alain Casanova: «Revenir sur une décision concernant par exemple le hors-jeu, cela va hacher le jeu et ce sera très compliqué. Une solution serait un cinquième arbitre près des bancs avec un écran qui ne se consacre qu’à la vidéo, non pas pour couper le jeu, mais pour aider l’arbitre central. Il pourrait signaler rapidement à l’arbitre central s’il y a un hors-jeu ou un penalty.»
«Pourquoi pas? Mais si la décision est difficile à prendre, le problème sera le même», répond Derrien, plutôt favorable à l’usage de la vidéo «à dose homéopathique», même s’il reconnaît que ce débat met en lumière «certaines de ses limites», et notamment son adaptation au ballon rond. «La philosophie de l’arbitrage dans le foot ne se marie pas bien avec la vidéo, conclut-il. L’arbitre aime rayonner sur le terrain, être le chef d’orchestre. Si on le déresponsabilise, on leur enlève peut-être un de pression, mais on dénature leur rôle.» Et le sport qui va avec?