VIDEO. Barça-PSG: «Ce match va me hanter toute ma vie»... Pour les Parisiens, la thérapie s'impose
FOOTBALL•Et si quelque chose s’était définitivement cassé mercredi soir au Camp Nou?...B.V.
De notre envoyé spécial à Barcelone,
C’est souvent le problème avec les drogues. Elles vous font monter si haut que parfois, la chute est abyssale. En gagnant 4-0 à l’aller contre le Barça, les joueurs, les supporters, l’ensemble du club parisien avaient entre-aperçu un nouveau futur : celui d’un grand d’Europe enfin capable de franchir ce pallier, le scalp d’un immense club, le rêve de remporter la Ligue des champions, l’illusion de toucher collectivement et émotionnellement au sublime.
Le bad-trip vécu mercredi soir au Camp Nou est à la hauteur de cette montée. Après la rencontre, tout Parisien qui se respecte était en PLS, abasourdi, ahuri. Ce matin, il se réveille avec la pire gueule de bois de sa vie. Envie de rien, peur du vide. Voilà le constat tiré par les quelques supporters du PSG croisés dans Barcelone jeudi matin :
- « Ce match va me hanter toute ma vie »
- « Les mecs vont être traumatisés dès qu’ils auront un gros match à jouer »
- « On y arrivera jamais » (à gagner la Ligue des champions)
C’est sans doute cette dernière la plus flippante. Hier soir, dans le cœur des supporters parisiens, quelque chose s’est cassé. Et il va falloir un petit moment pour le réparer. Si tant est que le deuil de cette humiliation soit un jour possible. « Pour comprendre le deuil du supporter il faut faire un peu d’étymologie, avance Jean-Paul Labedade, psychologue et psychologue du sport. Supporter vient d’un mot grec qui veut dire souffrir. Le supporter va prendre une partie de la souffrance du vaincu pour lui, mais il va trouver dans sa psyché personnelle la force de surmonter ça. »
Si vous trouvez qu’on exagère un peu en parlant de deuil, vous avez sans doute raison. Mais il y a dans la vie d’un fan de sport des défaites qui marquent beaucoup, qui font encore mal au ventre quand on y repense 10, 15, 20 ans plus tard (coucou France-Bulgarie 93). Et on pourrait presque adapter le schéma des fameuses « sept phases du deuil » au contexte parisien.
1. Le déni : Quel supporter parisien ne s’est pas dit au réveil ce matin « merde, c’était pas un cauchemar ».
2. Douleur et culpabilité : « Mais comment c’est possible d’autant se désagréger dans un match comme ça ? Comment on a fait ? »
3. La colère : « Et merci l’arbitre aussi. Deux pénos oubliés pour nous, deux donnés au Barça, c’est toujours la même chose. »
4. Le marchandage : « On verra s’ils feront les malins quand on leur piquera Neymar pour 200 millions l’été prochain ? »
5. Dépression et douleur : « Mais comment on a fait pour perdre bordel ? C’est pas juste putain. »
6. Reconstruction : « Allez, on se relève dès dimanche à Lorient et on va chercher ce titre. Avec les couilles. »
7. Acceptation : « Et si cette défaite nous permettait de devenir meilleurs l’an prochain ? »
La grande différence entre le deuil et le deuil sportif, c’est que ce dernier n’est pas forcément éternel. « L’avantage c’est qu’au football et dans le sport la notion de temps n’existe pas, poursuit notre psychologue. Il y a sans cesse une abolition du temps avec chaque année une nouvelle saison qui commence et donc une nouvelle opportunité de réaliser ce rêve pour les supporters. Il faudra certainement qu’ils attendent la nouvelle saison pour s’en remettre totalement car le rêve sera de nouveau à leur portée. »
Des tours d’honneur contre Avranches ?
D’ici là, Paris doit se reconstruire via le championnat et les deux coupes françaises. Jean-Paul Dabedade : « S’ils gagnent à nouveau le championnat et les deux coupes, ce ne sera qu’un baume pour leur cœur car c’est quelque chose dont ils ont l’habitude. » C’est sûr qu’il sera compliqué d’enchaîner les tours d’honneur après une victoire contre Avranches, mais il faut réapprendre à gagner, à s’apprécier.
Y compris pour les joueurs eux-mêmes. En zone mixte après la rencontre, aucun d’entre eux n’a évoqué le match de Lorient, dimanche soir, hyper important dans la course au titre. La douleur était trop forte, l’avenir trop assombri. Eux aussi doivent se demander s’ils vont y arriver un jour.
« Les grands joueurs, ce sont ceux qui sortent le plus vite de ça, tente bien Thiago Silva, sans conviction. Des moments comme ça, on en a eu dans la vie et on a réussi à en sortir, ce n’est pas cette fois qu’on va rester la tête basse. C’est difficile pour nos supporters qui étaient là, mais on doit continuer à travailler. » Adrien Rabiot : « Il va falloir rebondir, on a des matchs importants au championnat mais c’est clair que ça met un coup au moral. Se faire éliminer de cette manière-là après le match qu’on a effectué à l’aller, ça va être compliqué de se remettre… »
Ouais, bah ça s’annonce morose dans le vestiaire parisien pour quelque temps. « Chaque individu s’en remettra par rapport à ses facultés à encaisser ce genre d’événement, poursuit le psy. Un gars comme Thiago Silva qui a 32 ans et vécu beaucoup de choses sera sûrement moins affecté. Mais il y aura quand même une tendance. Il faut pour les joueurs développer une capacité à être amnésique après ce genre de défaite. Ça peut aller très vite, dès le prochain match. »
« Ce rêve non comblé reste un nirvana à atteindre »
Pour les aider, Jean-Paul Labedade propose d’organiser des thérapies de groupe où chaque joueur prendrait la parole. « Si c’est un traumatisme ça laissera forcément des traces, explique-t-il. Mais on peut faire de ce traumatisme un atout. On peut le surmonter, il faut faire résilience sur le long terme. »
Comme pour les supporters d’ailleurs : « C’est presque un avantage pour eux de ne pas avoir réalisé ce rêve, conclut le psychologue. Car une fois qu’on atteint ce Graal, ce nirvana, on perd une source de motivation. Ce rêve non comblé reste un nirvana à atteindre. »
Reste à savoir comment les dirigeants, eux, s’en remettront. Pas impossible que le Qatar décide de faire sauter Emery, de virer la moitié de l’équipe (Thiago Silva ?), de changer complètement de politique de recrutement ou que, totalement découragé, il entame une phase de retrait. Pas impossible non plus que certains joueurs comme Verratti décident d’arrêter les frais et d’aller voir si c’est pas possible d’aller gagner la Ligue des champions ailleurs.
Mais tout ça, ce sont des questions pour les semaines et les mois à venir. Pour l’instant, il ne reste que la douleur. Et elle n’est pas près de s’estomper.