Euro 2016: Traumatisé en 2004, Olivier Dacourt avoue n'avoir «plus jamais remangé un grec de (sa) vie»
FOOTBALL•L'ancien joueur de la Roma évoque le France-Islande de l'Euro 2016 sous le prisme du quart de finale France-Grèce, en 2004...Propos recueillis par Jeremy Goujon
À Rennes,
Titulaire lors du quart de finale de l’Euro 2004 perdu face à la Grèce (0-1), l’ancien international français Olivier Dacourt estime que les Bleus de Didier Deschamps devront être « dans l’action », et non plus « la réaction », pour éviter toute mauvaise surprise contre l’Islande, ce dimanche au Stade de France (21 h).
Depuis qu’on connaît l’adversaire de l’équipe de France en quart de l’Euro 2016, tout le monde trouve des ressemblances entre l’Islande et l’épisode grec de 2004. C’est aussi votre cas ?
L’adversaire est différent, déjà. Les Islandais ont réalisé un exploit contre l’Angleterre, mais tous les matchs ne se ressemblent pas. La France est à domicile et a donc une pression (populaire) supplémentaire. Quand on voit les Bleus de 2004, il y avait Zidane, Henry, Pirès, Vieira, Makelele… Autrement dit, beaucoup d’expérience, mais ça n’a pas suffi. L’équipe de France actuelle est en construction, elle commence à ressembler à quelque chose. On connaît tous le potentiel exceptionnel d’un Paul Pogba. On attend donc plus de lui.
Avec le recul, peut-on dire qu’il y a eu un complexe de supériorité de la part des Français, il y a douze ans ?
Non, parce que si on prend l’exemple des Portugais, eux aussi étaient prévenus. Ça ne les a pourtant pas empêchés de se faire battre deux fois par la Grèce [lors du match d’ouverture et en finale]. Mais encore une fois, toutes les rencontres sont différentes. Cette année, les Bleus ont la chance de jouer à domicile. Avec le public derrière, ça donne des forces, on l’a vu en 1998. Alors que l’équipe de France la plus forte, c’était celle de l’an 2000.
Le capitaine grec de l’époque, Theódoros Zagorákis, disait récemment dans So Foot que son équipe avait « contrôl[é] le match » contre la France. Vous confirmez ?
Disons qu’on s’était réveillés un peu trop tard. On voulait pourtant bien faire, mais il y avait comme une espèce d’impuissance. On avait l’impression d’être anesthésiés, c’était incroyable. Cette défaite m’est restée en travers de la gorge. Je n’ai plus jamais remangé un grec de ma vie…
Ah oui, ça va loin quand même…
Non mais, ce n’est pas une connerie, je ne rigole pas ! Il reste un goût amer. En plus, un des Grecs jouait avec moi à la Roma [le défenseur central Traïanós Dellas]. Le mec n’était pas titulaire, et il s’est préparé toute l’année pour ce match-là. La différence se fait là aussi. Tous les grands joueurs, surtout ceux de la Premier League - qui est éprouvante - ont du mal parce qu’il y a beaucoup de matchs et que c’est dur physiquement. Et les Grecs, à l’image de Giorgos Karagoúnis [qui évoluait alors à l’Inter Milan] ou Dellas, ils s’étaient préparés juste en vue de l’Euro. Ils avaient ce côté « C’est une fois dans notre vie », et ils ne se sont pas ratés.
Vous diriez aujourd’hui que c’est la Grèce qui a gagné le quart de finale de 2004, ou la France qui l’a perdu ?
La Grèce l’a gagné et on l’a perdu.
Ce scénario peut-il se reproduire face à l’Islande ?
Si cette nation en est arrivée là, c’est qu’il y a de la qualité. Elle a battu l’Angleterre, elle a mis en difficulté le Portugal. Mais il faut être confiant. Si les Bleus jouent sur leurs qualités… Intrinsèquement, ils sont meilleurs. Après, il ne faut pas commencer à jouer comme les Islandais et privilégier le côté physique. Ce n’est pas l’ADN de l’équipe de France.
Celle-ci vous semble à l’abri du « complexe de supériorité » évoqué précédemment ?
Didier Deschamps et son staff sont assez compétents pour ne pas se laisser griser par ça. D’autant que le sélectionneur était sur le terrain quand le Danemark a éliminé la France lors de l’Euro 1992…
aVu le niveau de jeu de l’Angleterre, certains disent qu’affronter les Islandais est (presque) une mauvaise nouvelle. C’est un peu exagéré, non ?
Ça reste effectivement l’Islande et il faut être content du tirage au sort. Je préfère le tirage qu’a eu la France à celui de l’Italie. On a simplement de la chance, ce n’est pas de la faute des Bleus s’ils ont eu la Roumanie, l’Albanie, la Suisse, l’Irlande et maintenant l’Islande. Après, sur tous ces matchs, on a plus été dans la réaction que dans l’action. Il faudrait qu’on soit en jambes dès la première minute. Mais il faut être derrière cette équipe de France, car elle le mérite.
Même si le spectacle n’est pas toujours au rendez-vous ?
Le fait d’avoir joué pas mal d’années en Italie m’a rendu très pragmatique. Peu importe la manière : le plus important, c’est la victoire. Point.