Il paraît que le président de la République portugais, de passage à Marcoussis pour encourager la Seleção, s’est inquiété pour lui avant même de demander des nouvelles de Cristiano Ronaldo. C’est que l’état de la cuisse de Ricardo Quaresma empêche tout un pays de dormir avant le premier match du Portugal contre l’Islande ce mardi dans le cadre de l’Euro 2016. Une drôle de revanche sur la vie, quand même. Parce que dans le genre déception éternelle, l’ami Quaresma se pose là, quelque part entre Hatem Ben Arfa et Jean-Claude Robinho.

Rembobinons. Il y a dix ou quinze piges, on a arrêté de compter, Quaresma est annoncé comme le grand joueur du futur au Portugal, un peu devant un autre ado boutonneux du Sporting Portugal qu’on appelle encore Ronaldo. Force est de constater que l’affaire a capoté quelque part en chemin, vu la carrière en dents de scie à métaux du bonhomme.

Sporting > Barcelone > Porto > Inter Milan > Chelsea > Besiktas > Al-Ahli Dubaï > Porto > Besiktas.

A quel moment, cela a-t-il déconné ? Citons-en deux au hasard. Un premier exil foireux à Barcelone à 20 ans,alors que le duo Quaresma-Ronaldinho aurait dû faire un malheur. Il était jeune, vous me direz. L’oiseau a moins d’excuses quand il quitte Porto pour l’Inter Milan de Mourinho et Ibrahimovic en 2008, après quatre grosses saisons (31 buts et 50 passes décisives). L’échec est patent, au moins autant que son implication aux entraînements, et on vous passe un prêt lunaire à Chelsea où le garçon nous fait une Falcao dix ans avant (cinq petits bouts de match en six mois).

Quaresma ne comprend pas, évidemment. « Je n’ai jamais fumé, jamais bu, jamais expérimenté quoi que ce soit, mais comme je suis un gitan, c’est difficile d’échapper à cette réputation. » D’autant que vous en connaissez beaucoup, vous, des mecs qui ont quasiment donné leur nom à un geste technique ? Bon, pour l’instant, on appelle encore ça « trivela ». Mais quand il aura arrêté sa carrière, ce sera une Quaresma, et puis c’est tout. On parle évidemment de ce fouetté de l’extérieur du pied qui n’appartient qu’à lui. Il s’en sert pour à peu près tout.

• Centrer depuis la gauche
• Centrer depuis la droite
• Tirer dans toutes les positions
• Marcher dans la rue (tout tordu, c’est pas simple)
• Monter dans le bus (de profil du coup)
• Faire de la danse de ballet devant sa glace (c’est pratique pour les pointes)

Le bonhomme a même fait un tutorial pour l’UEFA, si ça vous botte. Il tire une tête de trois pieds de long dans la vidéo, mais ce n’est pas inintéressant.

Ce geste technique assez bluffant aurait donc dû assurer la postérité de son auteur. Si on parle de postérité sur YouTube, c’est le cas. Pour le reste, c’est raté, même si Quaresma est une vraie star en Turquie, un pays qui sait apprécier les talents singuliers depuis Pascal Nouma. Cet Euro ressemble pour lui à une dernière chance presque inespérée, à 32 ans. Il se trouve en effet que Fernando Santos croit en lui et que son ailier lui rend mieux qu’à d’autres. Décisif en sortie banc lors des qualifications, Quaresma a provoqué des orgasmes par milliers face à l’Estonie la semaine passée en amical : deux buts, trois passes, et une tripotée de reins cassés après son passage.

« Ce n’est pas Quaresma et dix autres, mais Quaresma et 22 autres, a temporisé le sélectionneur portugais devant l’hystérie ambiante. Tout le monde a une chance de jouer, c’est un casse-tête pour moi, mais c’est une excellente nouvelle ». Pourtant, si son forfait semble quasi acquis pour le premier match, au moins pour le préserver, Santos a refusé de le confirmer lors de la conférence de presse d’avant-match. Si Quaresma mérite qu’on bluffe sur son état de santé en sélection, c’est vraiment qu’un truc a changé. On va vite savoir.