France-Brésil: Pourquoi prendre un petit pont est aussi humiliant?
FOOTBALL•Les Bleus ont encaissé un but assez humiliant contre la Seleçao…R. B. et A. M.
Le cri des tribunes varie entre un «ouh» et un «whoooooaaa» selon l'humeur du public, l'identité de la victime et de son bourreau. Qu'il soit réalisé en DH ou en demi-finale de Coupe du monde, le petit pont reste un instant de grâce ou un moment de honte selon le côté où se place. Jeudi, les Brésiliens ont régalé lors de leur victoire contre les Bleus au Stade de France (1-3) en en passant trois sur l'action de l'égalisation d'Oscar. «Ce n'est pas humiliant mais c'est un rapport de force, explique Séan Garnier, champion de foot freestyle et spécialiste du petit pont. En gros tu dis: «je t'ai battu». C'est une façon de montrer que tu es supérieur, même s'il ne faut pas dramatiser, ça reste un ballon qui passe entre tes jambes».
« El empate de Oscar para #Brasil . 1-1. Comienza la segunda parte. https://t.co/MJePHceSpP (vía @vine) — Domingo Ortiz ® (@Domingortiz) March 26, 2015 »
On entend déjà les puristes accourir au triple galop devant notre galvaudage du terme. Sur le fond, ils auront raison. Un petit pont demeure l'élimination d'un adversaire en lui glissant la balle entre les jambes ET en la récupérant derrière. Exemple avec Aurélien Chedjou sur Zlatan Ibrahimovic et avec l'un des maîtres de l'exercice, Lionel Messi. Pour Séan Garnier, qui a un jour passé petit pont à Neymar (c'est dingue et c'est à voir ici), ce que les Brésiliens ont fait à nos Bleus, ce sont bien des petits ponts. «Ça n'a pas la même valeur que quand tu la récupères, mais une passe en petit pont, c'est quand tu as réagi à une possible intertception. Si c'est volontaire, c'en est un».
Dans les faits, la simple passe à un partenaire via cette étroite route, avec l'intention claire et nette de réaliser ce geste, est souvent désignée comme tel, à la manière de l'action des Brésiliens ou de cette élimination du milieu du Barça Sergio Busquets.
Mais alors pourquoi le petit pont est aussi horrible à vivre? OK, ça n'est jamais agréable pour l'ego de se faire dribbler mais ce geste possède quelque chose d'extrêmement humiliant par le simple passage dans une zone censée être maîtrisée en permanence et par l'intention cruelle de son auteur. Comme quelqu'un qui tombe dans la rue, comme le malheureux qui craque son entrejambe de pantalon dans le métro, la victime de cette gourmandise de footeux est moquée par le public, ses adversaires voire par ses propres partenaires. Séan Garnier: «Un petit pont ça rentre en toi, quelque part. De tous les dribbles, c'est celui qui te marque le plus».
«La seule chose que tu ne veux pas vivre, c’est de prendre un petit pont, estime l'ailier du Real Madrid Gareth Bale. Surtout lorsqu’il y a des rangées de caméras. On se fait toujours humilier après, j’essaie donc de ne pas en prendre. Quand quelqu’un se prend un petit pont, tout le monde rigole et se moque de lui». Ne croyez pas que vous deviendrait un roi de la discipline en claquant des doigts. «Il faut lire en avance la course et la trajectoire de l'adversaire. Il faut le sentir. Sur un terrain, c'est souvent le même: un contre-pied. On sent que sur une anticipation, l'adversaire va tendre la jambe. Si tu as une bonne accélération, la personne est prête à suivre ta course, et du coup sur la 1ere foulée elle écarte les jambes». Bon, écartez les jambes trois fois sur la même action et prendre un but, on ne l'avait jamais vu.