Football: Comment les clubs de Ligue 1 se débrouillent pour recruter de plus en plus jeune

Football: Comment les clubs de Ligue 1 se débrouillent pour recruter de plus en plus jeune

FOOTBALL – Alors que le Real Madrid vient de recruter un Japonais de 9 ans…
Antoine Maes

Antoine Maes

L’article avait fait beaucoup rire. Sous le titre «Le Barça recrute un fœtus de 7 mois», le site satirique le Gorafi s’était bien moqué de la nouvelle tendance des clubs de football: recruter de plus en plus jeune. Le Real Madrid n’en est pas encore à chasser les futures stars in utero, mais la signature chez les Merengue, lundi, d’un Japonais de 9 ans a de quoi surprendre. Des cas similaires à celui de «Pipi», il n’en existe pas encore en France, où le recrutement des (très) jeunes talents est très encadré.

C’est en tout cas ce qu’assure Matthieu Bideau, le responsable du recrutement du centre de formation du FC Nantes. «Aucun club professionnel ne va chercher un gamin entre 8 et 10 ans», assure-t-il. Avant 13 ans, impossible de débaucher un jeune crack dans un rayon supérieur à 100km autour du club. Une fois atteint cet âge limite, il est également proscrit de recruter un jeune qui aurait réussi le concours d’entrée dans un des 11 pôles espoirs régionaux de la FFF.

Contrats de non sollicitation

Mais comme les règles sont faites pour être contournées, les clubs français arrivent tout de même à s’en sortir. D’abord, en faisant déménager toute la famille du gamin visé. Matthieu Bideau: «Le cas d’école c’est le petit Wesley Saïd, détecté vers 10 ou 11 ans, qui a 18 ans aujourd’hui et qui joue en pro à Rennes. Il jouait à Noisy-le-Grand. Rennes a pris la famille. Et ils ont eu raison: le gamin est en pro, et il est très bon.» N’allez pas croire que le Nantais est choqué. «Un pauvre garçon de Sarcelles, qui peine à l’école, et qui n’a que sa maman, si ça peut lui changer sa vie, pourquoi pas?»

Conséquence de cette course à la jeunesse, les clubs font signer des contrats de non sollicitation dès 13 ans: après deux ans dans un centre fédéral, les joueurs sont assurés d’un contrat aspirant, quoi qu’il arrive. «Les pôles sont devenus des centres de recrutement. A Clairefontaine, sur les gamins nés en 2000, il y en a 7 ou 8 qui s’entraînent tous les jours, mais qui appartiennent déjà à Monaco, Saint-Etienne ou Nantes», explique le Nantais.

Traitement défavorable de la Fifa?

Cette tendance s’applique aussi aux jeunes espoirs du monde entier. Les Girondins de Bordeaux n’échappent pas à la règle. Car si le jeune Argentin Valentin Vada (17 ans) est passé professionnel il y a quelques semaines, il a bien failli ne jamais porter le maillot au scapulaire. Repéré à 11 ans, arrivé en France à 15 ans et demi avec toute sa famille, le milieu offensif s’est vu refuser sa demande de licence par la Fifa pendant un an et demi. Elle considérait son arrivée comme un cas manifeste de recrutement d’un joueur mineur. «On a fait valoir que c’était un choix familial. Le papa a trouvé un boulot ici, raconte Alain Devesseleer, le directeur général des Girondins. Je connais bien le coin là-bas, il suffit d’y aller pour se dire que vivre à Bordeaux, c’est quand même nettement plus agréable.»

Après trois recours devant le Tribunal arbitral du sport, le club a finalement obtenu le droit de faire jouer sa trouvaille. «On est allé jusqu’à donner des extraits de banque, des factures, des quittances de loyer pour justifier la présence. J’ai dit à la Fifa: envoyez-nous quelqu’un pour vérifier que la famille est heureuse à Bordeaux et qu’à 8h30 Valentin est à l’école», peste Alain Devesseleer.

Mais ce qui l’énerve surtout, c’est moins l’entêtement des instances que la désagréable impression d’être le seul à être victime de sévérité. «Allez sur les sites d’Arsenal ou du Barça. Regardez les nationalités des gamins. Moi ça me rend fou, reprend Devesseleer. En dix ans, on a fait une demande, et il a fallu un an et demi pour l’obtenir. Eux ils ont trois extracommunautaires par équipe de jeune. Soit ils sont mieux écoutés que nous à la Fifa, soit ils passent par des voies parallèles.» Le plus inquiétant, c’est que les deux suppositions sont sûrement vraies.