Un peu de sumo dans ce monde de brutes
Diaporama•La rédaction de 20 Minutes
La planète sumo vient de trembler: Hakuho, un lutteur mongol (à dr.),
a remporté dimanche à Tokyo le 33e tournoi de sa carrière, devenant
ainsi le plus grand champion de l’histoire de la discipline. A cette
occasion, 20 Minutes vous propose un aperçu du monde méconnu du sumo.
Réalisé par Mathias Cena, à Tokyo
Le public s'est déplacé en masse pour ce premier tournoi de 2015. Pour mesurer l’importance de l’événement, il faut savoir que le Kokugikan (la "halle du sport national") de Ryogoku, dans l’est de Tokyo, était rempli pendant les quinze jours du tournoi. Ce n’était pas arrivé depuis 1997 dans la salle de 10.668 places, où se déroulent les tournois tokyoïtes (les tournois ont aussi lieu à Osaka, Nagoya et Fukuoka).
L'empereur et l'impératrice du Japon avaient fait le déplacement, pour la première fois depuis janvier 2011.
Les règles:
Les deux lutteurs s’affrontent dans un
cercle de paille intégré dans une plateforme recouverte d’argile. Le
vainqueur du combat est celui qui réussit à pousser l’adversaire hors du
cercle, ou à lui faire toucher terre avec tout autre partie du corps
que ses pieds. Les combats sont en général très rapides et peuvent durer
quelques secondes, une poignée de minutes au maximum.
Les tournois ont lieu six fois par an, à Tokyo (trois fois), Osaka,
Nagoya et Fukuoka. Ils durent 15 jours pendant lesquels les lutteurs
combattent une fois par jour. A la fin du tournoi, celui qui a le plus
grand nombre de victoires est déclaré vainqueur.
Le sumo égyptien Osunaarashi (à dr.) à l'entraînement.
Les 650 lutteurs du Championnat professionnel sont répartis en six
divisions. La première, où évoluent 42 sumos, est elle-même séparée en
cinq sous-divisions dont la plus prestigieuse est celle des yokozuna.
Actuellement, il y a trois yokozuna: Hakuho et deux autres Mongols,
Harumafuji et Kakuryu.
Le lutteur bulgare Aoiyama tient le banzuke, un document émis au début de chaque tournoi qui précise le rang des sumos.
Les origines du sumo remonteraient à 1500 ans et d'anciens rituels shinto. Le sumo d'aujourd'hui est toujours rythmé par les rituels: avant de combattre, les lutteurs commencent par claquer des mains pour attirer l'attention des dieux, lèvent les jambes l'une après l'autre en les faisant retomber avec force pour chasser les démons et jettent du sel sur le dohyo (l'aire de combat) pour le purifier.
Hakuho, grand champion
«Il y a quinze ans, j'étais un enfant maigre qui pesait seulement 62 kilos», se souvenait le champion en novembre dernier. Hakuho, de son vrai nom Monkhbatyn Davaajargal, est né en Mongolie en 1985. Il fait ses débuts de sumo en 2001 et gravit rapidement les divisions, pour devenir yokozuna en 2007, à 22 ans. Humble, exemplaire dans son comportement, ce père de trois enfants n'en est pas moins un redoutable champion, qui vient de remporter le 33e tournoi de sa carrière, battant le record de la légende du sumo, Taiho, établi dans les années 1960.
Hakuho se fait recoiffer, entouré de journalistes, juste après sa victoire du 23 janvier, qui lui assurait mathématiquement de remporter son 33e tournoi.
Harumafuji (en photo, à dr.) et Kakuryu sont les deux autres yokozuna.
Le plus japonais de tous les sports est dominé depuis des années par les étrangers (qui viennent de Mongolie, de Bulgarie, d'Estonie, de Hawai...) En fait, il n'y a plus de yokozuna nippon depuis 2003 et aucun lutteur japonais n'a remporté de tournoi depuis 2006. Un sumo bulgare retraité, Kotooshu, estime dans le Mainichi Shimbun que les lutteurs japonais doivent aborder l'entraînement de manière plus scientifique s'ils veulent mettre fin à la domination des étrangers sur ce sport traditionnel. «Ici, (quand je suis arrivé) je me suis demandé à quel siècle on vivait», assène-t-il.
Le Mongol Hakuho (à g.) et l'Estonien Baruto (à dr.) en 2010.
Le sumo ne séduit pas tous les Japonais, loin s'en faut. En fait, il
est surtout prisé par des gens d'un certain âge et ignoré des jeunes.
Une désaffection expliquée par le manque de champions nippons, et les
nombreux scandales qui ont secoué le monde des lutteurs: matchs truqués,
paris, liens avec les yakuzas et affaires de bizutage ont régulièrement
éclaboussé le monde du sumo dans les années 2000. En 2011, le tournoi
de mars a dû être annulé après la découverte de l'implication de 14
lutteurs dans des matchs truqués. En 2007, un jeune lutteur était mort
sous les coups de son coach.
Beaucoup de Français associent le sumo à Jacques Chirac, amoureux du Japon et grand connaisseur de la discipline, qui a reçu plusieurs fois des sumos à l'Elysée. L'ancien président se faisait envoyer les enregistrements des tournois au palais présidentiel par Eurosport pour les découvrir avant la date de diffusion française, et rouspétait quand ils arrivaient en retard, rapporte le Figaro.
En 2005, Jacques Chirac profite d'une visite officielle de trois jours
au Japon pour emmener sa délégation au tournoi d'Osaka. Le spectacle ne
ravit pas tout le monde, selon Libération:
«Chirac maquille son tournoi de sumo en une visite de travail. Il
n'avait qu'à venir à titre privé», aurait grogné un grand patron
français qui l'accompagnait, cité par le quotidien.
Quelques grands noms du sumo:
Takanohana (en
photo, à g.) et Wakanohana, deux frères parvenus au rang de yokozuna,
font partie des noms que tous les Japonais connaissent. Eux-mêmes fils
d'un sumo, ils ont contribué pour beaucoup à la popularité de la
discipline jusqu'à leur retraite au début des années 2000.
Quelques grands noms du sumo:
Taiho (à g.), le
48e yokozuna, qui a évolué sur les dohyo de 1956 à 1971, est souvent
considéré comme le plus grand sumo de l'après-guerre. Son record de 32
tournois remportés vient d'être battu par Hakuho.
Akebono, un sumo d'origine hawaïenne, est le premier non-Japonais à avoir accédé au rang de yokozuna, en 1993. Imposant même parmi les sumos avec ses 2,03m pour 233kg, il est resté au plus haut niveau pendant huit ans, avant de prendre sa retraite de sumo. Il s'est depuis reconverti dans le catch japonais.