CYCLISMETour de France : La race des baroudeurs est-elle en train de s’éteindre ?

Tour de France : La race des baroudeurs est-elle en train de s’éteindre ?

CYCLISMELes échappés qui vont au bout sont de plus en plus rares…
Guilhem Richaud

Guilhem Richaud

Depuis le début du Tour, c’est toujours la même rengaine. A chaque fois trois ou quatre courageux démarrent à peine la course lancée. Le peloton les laisse s’amuser quelque temps, puis se met en route, et les reprend à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée.

Les baroudeurs rongent leur frein. Et parcourent ce Tour de France comme des âmes en peine, sachant qu’ils n’ont rien à gagner. « Le cyclisme a changé, confirme Jacky Durand, ancien spécialiste de l’attaque au long cours, devenu consultant pour Eurosport. Aujourd’hui, les enjeux ne sont plus les mêmes. Lors des étapes de plaine, même les équipes qui n’ont aucune chance de gagner au sprint roulent contre les échappés. Elles sont intéressées par les points pour les différents maillots qu’offrent les places d’honneur. »



Les bonifications en question

Au départ du Tour, à Utrecht, Thomas Voeckler avait fait le même constat. L’infatigable attaquant d’Europcar reprochait aux organisateurs le retour des bonifications en temps à l’arrivée des étapes. « Pour des coureurs comme moi, cela peut condamner les échappées, expliquait-il lors de la présentation des équipes. Avant, on avait deux courses dans la course. Une pour la victoire d’étapes où je pouvais être intéressé et une pour le classement général derrière. Là, les leaders vont vouloir jouer la victoire pour grappiller les secondes. Les costauds s’imposeront toujours dans les étapes de montagne. »

Les oreillettes faussent le jeu

Pour Thierry Marie, qui a réalisé la plus longue échappée en solitaire de l’histoire, 234 km en 1991 lors de l’étape Arras-Le Havre, l’évolution des technologies y est également pour quelque chose. « Avec les oreillettes, le peloton est tout de suite informé de qui est dans les échappés, explique-t-il. A mon époque, il arrivait que certains coureurs se fassent la malle, sans même que le peloton s’en rende compte. » Et désormais, les équipes qui comptent un sprinter veillent au grain. « Il y a six ou sept teams qui pensent pouvoir gagner au sprint, confirme Eric Boyer, ancien patron de Cofidis. Ça fait beaucoup de monde pour rouler derrière une échappée. »



Tenter, tenter et tenter encore

Que faire alors pour les équipes qui ne jouent ni le sprint, ni le général ? Tenter, tenter et tenter encore, pour Eric Boyer. « Si je dirigeais toujours une équipe, je dirais à mes coureurs d’y aller quoi qu’il en soit, assure-t-il. D’être à l’origine de l’échappée et de l’animer. Un jour, ça peut marcher. C’est comme ça qu’on a gagné des étapes avec Chavanel Dumoulin en 2008. »

De quoi donner du baume au cœur à une équipe comme Bretagne-Séché, qui misait beaucoup sur le passage du Tour sur ses terres. « Ils s’étaient réservés pour la Bretagne et n’avaient pas trop attaqué avant, peut-être ont-ils fait une erreur, déplore l’ancien Cofidis. Maintenant il ne leur reste plus grand-chose pour se montrer. »

L’équipe Bretagne Seché lors du contre-la-montre par équipe. AFP PHOTO/LIONEL BONAVENTURE - AFP

Thomas Voeckler, dernier maillon d’une espèce en voie d’extinction ?

Il reste toujours la montagne, qui démarre ce mardi avec l’arrivée en altitude dans les Pyrénées. « Pas forcément de suite, reprend Jacky Durand. Les favoris vont essayer de créer des écarts sur ces premières étapes. Mais il y aura peut-être une ouverture ensuite lors des tronçons de transition ou dans les Alpes. »

Si la porte s’ouvre, il faudra saisir sa chance sans se poser trop de questions. « Si un coureur peut y arriver, c’est Thomas Voeckler, conclut Thierry Marie. Il s’est bien caché lors de la première semaine. Il est frais avant d’attaquer les choses sérieuses. Je pense qu’on peut croire en lui. » Comme dans le dernier maillon d’une espèce en voie d’extinction.