Mondiaux d'athlétisme: «On a envie d'être copain avec Usain Bolt», raconte le réalisateur de son documentaire
INTERVIEW•Le Jamaïcain défend son titre sur 200m à partir de ce mardi…Romain Baheux
Il a partagé le quotidien d’une légende. En 2011, le réalisateur Gaël Leiblang a suivi Usain Bolt, encore champion du monde du 100 m dimanche, durant sept mois pour accoucher du documentaire Usain Bolt, l’homme le plus rapide du monde. L’un des rares à avoir pu l’approcher aussi longtemps raconte le Jamaïcain avant ses débuts sur 200m, où il défendra son autre couronne ce mardi.
Faisiez-vous partie des gens qui le pensaient capable de conserver son titre sur 100m ?
Un grand champion, ce n’est pas que quelqu’un qui gagne des courses, c’est aussi quelqu’un qui sait se surpasser dans des moments délicats. Je ne suis pas très surpris par sa réaction après sa demi-finale difficile. En 2011, j’étais avec lui après son élimination pour faux départ en finale des Mondiaux de Daegu. Quelques heures après, il disait qu’il allait gagner le 200m dans trois jours. Là, je me suis dit que le gars ne doutait vraiment de rien.
Vous avez retrouvé ça entre les deux courses dimanche ?
Ce sont ces péripéties qui le construisent. Bolt, il a sur son chemin des petits signes du destin qui lui font dire, comme il est très croyant, que Dieu est avec lui. Quand il trébuche en demie sans se casser la figure, il se dit qu’il a eu chaud mais qu’il va pouvoir s’expliquer en finale avec ses rivaux. Avec lui dans la course, tout est remis à zéro, d’autant que ça a toujours été un homme de grand championnat. Sa mère nous avait raconté qu’à 15 ans, il avait pleuré avant d’aller disputer les Mondiaux juniors. Résultat, il est encore le plus jeune champion du monde juniors de l’histoire.
Vous l’avez côtoyé il y a quatre ans, le trouvez-vous différent aujourd’hui ?
Je le trouve moins fanfaron qu’à ses débuts. C’est normal, il va bientôt avoir 30 ans [il en a 29]. Il fait encore les grimaces avant la course mais il le fait de manière mécanique, car les gens attendent ça de lui. A l’époque, il le faisait parce que c’était son tempérament. A partir de Londres, il y a eu un changement dans son comportement. Là, il est dans l’optique de finir à fond ses deux dernières années de carrière avec les JO de Rio en 2016 comme dernier objectif.
VIDEO. Comment Usain Bolt est devenu le plus grand athlète de l’Histoire
Quelle est la part de com' dans son personnage de gentil garçon qui fait le show ?
Il n’y en a pas. C’est un gars sympa avec qui on a envie d’être copain. Il vit à Kingston dans une belle maison mais il pourrait avoir quelque chose de dix fois plus grand avec les sommes qu’il gagne. C’est un mec assez simple, qui a le bonheur facile. Aux Mondiaux, il dort au village et reste avec ses potes. Durant tout le tournage du film, il ne nous a jamais demandé d’arrêter la caméra. Moi, j’ai trouvé ça intéressant de pouvoir le voir vomir à l’entraînement. Ça montre ce qu’est vraiment le boulot des athlètes.
Où le situez-vous dans le panthéon du sport ?
On manque de recul. Les icônes naissent avec le temps. S’il gagne encore à Rio, ce sera vraiment le grand champion de ce début de siècle. Dimanche, j’aurais bien voulu le voir se faire battre par Justin Gatlin ou Tyson Gay, deux personnes au passé chargé en termes de dopage. Juste pour voir comment il aurait pu réagir, s’il aurait été capable de mettre un coup de pied dans la fourmilière au moment où la fédération internationale d’athlétisme va changer de président. J’attends maintenant d’Usain Bolt un positionnement idéologique.