RUGBYCoupe du monde 2011: Pour Richard Dourthe, «si on gagne, on emmerdera tout le monde»

Coupe du monde 2011: Pour Richard Dourthe, «si on gagne, on emmerdera tout le monde»

RUGBYAujourd'hui consultant pour Canal+, Richard Dourthe était de l'équipe de France qui avait vaincu les Blacks en demi-finale en 1999...
Richard Dourthe, félicité par Emile Ntamack, sous le regard de Marc Lièvremont, le 31 octobre 1999, lors de la demi-finale de la Coupe du monde contre la Nouvelle-Zélande.
Richard Dourthe, félicité par Emile Ntamack, sous le regard de Marc Lièvremont, le 31 octobre 1999, lors de la demi-finale de la Coupe du monde contre la Nouvelle-Zélande. - JEAN-LOUP GAUTREAU / AFP
Propos recueillis par Antoine Maes

Propos recueillis par Antoine Maes

Richard Dourthe n’a jamais eu sa langue dans sa poche. Ni pendant ses onze années en professionnel, ni aujourd’hui, en tant que consultant pour Canal+. Le Dacquois, qui approche de ses 37 ans, avait inscrit un essai lors de la demi-finale homérique contre les Blacks en 1999. Douze ans plus tard, son phrasé est aussi acéré que ses plaquages à l’époque.

Est-ce que vous voyez des similitudes entre l’équipe de France actuelle et celle de 1999?

Par rapport au fait qu’on n’est pas du tout favori oui. Après nous c’était différent, on sortait d’un quart de finale où on avait fait de très bonnes choses contre les Argentins. Là, la France a perdu contre les Blacks en poule, mais personne n’en avait rien à faire de ce match. C’est très rassurant, parce qu’on s’en foutait de ce match.

La version 2011 a-t-elle plus de chances de devenir champion du monde que votre génération?

Eux ont plus de certitudes que nous. Et les Blacks ont des failles. En 1999, les Australiens n’avaient pris qu’un seul essai de toute la compétition.

Comment s’y prendre pour battre les Blacks?

Il faut les agresser. Quand on combat contre le meilleur boxeur du monde et qu’on le laisse développer son jeu, on prend des coups de poing dans la figure. Si on l’agresse, si on ne le laisse pas respirer, il ne sait pas où il est.

L'équipe de France a-t-elle les «boxeurs» qu’il faut pour les agresser?

S’ils sont là c’est qu’ils ont les qualités pour. Ils ont prouvé qu’ils ne les avaient pas contre les Tonga, et ils ont prouvé qu’ils les avaient contre l’Angleterre. On ne peut pas savoir. Tous les Néo-Zélandais qui parlent, ils sont inquiets, pas stressés, mais inquiets de la découverte de ce qui va arriver. Être imprévisible, ça fait notre force mais c’est aussi notre faiblesse.

Cette équipe de France, vous l’aimez? Elle vous énerve? Elle vous frustre?

Moi, quoi qu’il arrive, je pense qu’ils auront défendu les couleurs de la France haut et fort. Avec fierté, avec faiblesse, avec honte. Mais en haut ou en bas, c’est reconnaissable à chaque fois! Elle m’a énervé comme elle a énervé tout le monde. Et après elle m’a rendu fou, dans le bon sens du terme, contre l’Angleterre. On a écrasé les Anglais pendant une mi-temps, c’était génial.

Et après, il y a ce match contre les Gallois…

Les Gallois… pffff… On a gagné. C’était le but non? Je préfère gagner 9-8 que perdre 31-32.

«Ce qui m’a le plus énervé, c’est cet amalgame avec le foot. Ca n’a rien à voir»

On a l’impression que ces Bleus aiment bien se sentir un peu seul contre tous, non?

Les critiques sont logiques. Quand je jouais, Dieu sait que j’en ai pris des critiques. Il faut les accepter. Ca permet de rebondir. Et Marc s’en sert, quand il les traite de «sales gosses». Ce qui m’a le plus énervé, c’est cet amalgame avec le foot. Ca n’a rien à voir. Après les Tonga, on commençait à parler de Knysna… Il n’y a pas de fiasco, on est en finale de la Coupe du monde. Il n’y a eu aucune grève, aucun caprice de star. Les joueurs se sont pris en main. Parce que tout le monde tape sur Marc Lièvremont, tout le monde lui crache dessus, mais il gère son équipe comme il sait la gérer.

Que pensez-vous de ceux, dans l’hémisphère sud ou au pays de Galles, qui estiment qu’une victoire française serait néfaste pour le rugby?

Rien à foutre des Gallois. Ils jouent la 3e place et ils rentrent chez eux. Pas bon pour le rugby… l’équipe de France, si elle est championne du monde, elle est championne du monde, un point c’est tout. Personne n’a rien dit sur l’Afrique du Sud en 2007.

Il est quand même rocambolesque ce parcours…

Mais l’équipe de France a toujours été rocambolesque! Si on est champion du monde, on le sera avec deux défaites en match de poule, et ça restera longtemps. Et on aura un record de plus. Et c’est tout!

Les joueurs ont-ils pris le pouvoir?

Non, Marc est toujours là, il est avec son groupe. Il a une façon de manager qui est sa façon, mais les joueurs n’ont pas pris le pouvoir. Ils ont pris conscience que c’est une Coupe du monde et qu’il faut gagner des matchs. Il les a mis devant le fait accompli: « maintenant c’est à vous, vous vous démerdez».

(En pleine conversation, Dourthe tombe sur une déclaration de Steve Hansen, adjoint de Graham Henry dans le staff néo-zélandais: «la France a gagné le droit d’être en finale»).

La meilleure phrase elle est là. Le mérite… Mais qui mérite? On mérite quoi? Est-ce que les escrocs méritent d’être toujours en vie? Est-ce que les pédophiles méritent d’être toujours en vie? Bah ils le sont hein… On est en finale, est-ce qu’on le mérite ou pas? On n’en a rien foutre, et si on gagne, on emmerdera tout le monde, je vous le dis.

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