COUPE DU MONDEMarc Lièvremont: «Quelque part on n'est pas descendu du bus»

Marc Lièvremont: «Quelque part on n'est pas descendu du bus»

COUPE DU MONDEToujours marqué par la défaite de son équipe de France face aux Tonga, le sélectionneur avoue être aussi déçu par le comportement de ses joueurs sur et hors du terrain...
Marc Lièvremont, le 2 octobre 2011 à  Wellington.
Marc Lièvremont, le 2 octobre 2011 à  Wellington. - J.Naegelen / REUTERS
A.P. à Wellington

A.P. à Wellington

De notre envoyé spécial,

Depuis quelques mois, l’évangile selon Marc ressemble surtout à un interminable chemin de croix. Le sélectionneur pensait que son équipe avait touché le fond après sa défaite samedi contre les Tonga, elle a réussi l’exploit de le décevoir encore plus après le match en s’éparpillant dans Wellington avec femmes et agents plutôt de se dire les choses en face. Lors d’une conférence de presse poignante, Marc Lièvremont a déploré ces comportements individualistes et s’est même mis dans la peau de Raymond Domenech. A une semaine d’affronter l’Angleterre en quart de finale, le XV de France est à l’image de son sélectionneur: déprimé et mal rasé.

Pensiez-vous votre équipe aussi fragile que ce qu’elle a pu montrer samedi soir?
Même si notre parcours était tous sauf linéaire, j’avais le sentiment d’une progression. Je constate que rien n’aura été simple. Malgré tout, on est encore debout et on a cette chance immense d’être encore là. Par nature, je me bats. Je crois à ce groupe qui a montré par le passé son potentiel, qui est capable je l’espère toujours de se prendre en main et de se rebeller. Je pensais avoir fait le tour en termes de honte, mais cela a été extrêmement violent samedi.

Avez-vous eu une explication avec vos joueurs après la rencontre?
J'aurais voulu, qu'on se retrouve autour d'un verre, qu'on parle, qu'on échange, qu'on boive et qu'on se dise que l'aventure est belle. Même là, j'ai été déçu, le groupe s'est éparpillé. Force est de constater qu'on vous donne raison, pour l’instant en tout cas. Même s'il n'y a pas de marasme ou de fracture.

«J’ai vu des joueurs avec leur agent plutôt de se rassembler et parler ensemble»

Comment rebondir maintenant? Vous donnez l’impression d’être résigné…
A aucun moment je n’ai parlé de résignation. J’ai envie me battre. J’ai peut-être un paquet de défauts, je suis peut-être comme beaucoup le pensent juste un entraîneur de Pro D2 (NDLR : du côté de Dax) absolument pas compétent pour entraîner une équipe du standing de la France, mais se battre je sais ce que cela veut dire et je n’ai pas envie de lâcher… Je ne me fais plus d’illusion. En cas de défaite la semaine prochaine, le bouc-émissaire est tout trouvé. Mais je m’en fous, mon image m’importe peu. Je veux juste que les joueurs relèvent la tête et fassent honneur aux supporters.

Mais votre groupe a-t-il assez de caractère pour se rebeller?
Quand on les prend un par un, j’ai des joueurs talentueux. Peut-être pas aussi talentueux que je veux l’espérer. Mais je pense qu’on a d’abord failli dans l’engagement. Quand on triche sur un terrain, on rate les passes, les placages. La dynamique d’une équipe de rugby n’est jamais évidente à trouver mais je pense qu’ils ont le potentiel pour battre l’Angleterre.

Votre discours va-t-il évoluer cette semaine?
Il va rester le même, mais je risque de leur parler de manière plus virulente. Encore une fois, cette aventure leur appartient. J’ai du respect et de l’estime pour eux et je pense que c’est réciproque. Mais je ne me fais pas d’illusions. On est dans une société où l’image prime. J’ai vu des joueurs avec leur agent après le match plutôt de se rassembler et parler ensemble. Je sais qu’ils ont une carrière et une image à gérer. Malgré tout, je sais que ce sont des bons mecs quand je les prends un par un.

«Ma femme m’a fait la gueule»

Vous sentez-vous trahi?
Il faut arrêter. Ce n’est que du rugby. D’autres équipes de France ont déjà fait des matchs pourris. Ils se trahissent eux d’abord.

On vous sent aussi déçu par ce qui s’est passé dans la soirée que par la défaite?
Oui, il y a de cela. A la fin du match, j’ai sorti trois packs de bière, j’ai dit aux joueurs qu’on se lâchait et qu’on était qualifié. Oui, c’est une forme de déception que de ne pas savoir se dire les choses. Ma femme m’a fait la gueule parce que je ne suis pas aller dormir avec elle. Je lui ai dit qu’on avait toute la vie pour dormir ensemble et que je ne vivrais qu’une Coupe du monde.

Pourquoi ne pas avoir provoqué cette réunion vous-même?
J’ai été pris de cours. J’avais des obligations médiatiques avec TF1, Eurosport et je ne sais plus qui. Quand je suis revenu dans les vestiaires, il n’y avait plus personne. Certains étaient déjà à l’hôtel, d’autres étaient partis. Ils avaient envie de retrouver leur épouse plutôt que laver leur linge sale en famille… On me dit parfois que je bride trop mes joueurs, d’autres fois que je ne suis pas assez père fouettard. On me compare aussi à Raymond Domenech. Sachez que j’ai le plus grand respect pour Raymond Domenech. Il s'est battu. Il a certainement sa part de responsabilité, j'ai la mienne. Mes joueurs se sont gaussés des footballeurs mais quelque part on n’est pas descendu du bus samedi.