Notoriété, ego, argent... Alors, ça change quoi de gagner le Vendée Globe?
VOILE•Gagner le Vendée Globe, ça change une vie. La preuve...W.P.
Armel Le Cléac’h ou Alex Thomson ? Qui remportera le Vendée Globe 2017 ? La question vaut son pesant de cacahuètes bien salées comme au bar. Car il ne s’agit là pas que de sport, de victoire, de dépassement de soi, mais aussi des conséquences d’un succès héroïque sur la vie d’un homme. « Le Vendée Globe a changé ma vie », déclarait Jean-Pierre Dick, jamais couronné, avant de défier une quatrième fois l’Everest des mers. Qu’en est-il alors pour celui qui rejoint les Sables d’Olonne avant tous les autres ? 20 Minutes s’est posé la question.
La notoriété : quand le skipper devient star
« Tu ne sais pas ce qui t’attend », aurait dit Michel Desjoyeaux à François Gabart, alors harcelé par des journalistes et des photographes à son arrivée triomphale aux Sables d’Olonne en janvier 2013. La vérité est là : l’homme qui boucle son tour du monde en solitaire avant ses rivaux signe automatiquement et contre son gré un CDD de superstar nationale. Gabart, dans une interview à L’Express :
« « C’est un peu la folie ! Tu t’y prépares mais tu ne t’imagines pas ça. Tu ne peux plus te déplacer de manière normale dans la rue, où les gens t’applaudissent ! C’est plutôt valorisant, mais c’est surprenant » »
Si le Charentais a pu bénéficier d’une exposition médiatique encore supérieure à celle de ses prédécesseurs – sa bouille et sa chevelure dorée n’y sont sans doute pas étrangères -, Vincent Riou, contacté par 20 Minutes, ne manque pas de rappeler que la notoriété du vainqueur reste toute relative. « En voile il n’y a pas un match tous les deux ou trois jours comme dans d’autres sports. Donc les gens finissent par nous oublier assez vite. »
L’ego : attention aux chevilles
La victoire, la Légion d’honneur, les caméras, les plateaux TV, les radios, les interviews, les autographes, les selfies… tout ça, forcément, ça peut vous faire prendre la grosse tête. « Si on aime le jeu médiatique et qu’on se laisse emballer dans cette spirale, c’est vrai qu’on peut [prendre un peu le melon]. En fait, ça dépend beaucoup de la personnalité de chacun et de l’entourage des personnes », analyse Vincent Riou sans se sentir spécialement concerné. Il poursuit :
« « La surexposition ne me fait pas triper. A l’époque j’avais envie de me protéger de ça et de retourner à la maison. Replonger dans les couches de vos enfants, c’est sûr que ça vous remet les pieds sur terre. » »
Le respect du champion : surtout chez les jeunes loups
Gagner la plus grande course en solitaire sur Imoca fait forcément de vous une cible à battre, une source de galvanisation et une personne qui en impose. Vincent Riou, toujours. « Gagner le Vendée Globe inspire le respect du reste de la flotte, mais vu qu’on se connaît à peu près tous, qu’on court les uns contre les autres toute l’année, ça ne change pas grand-chose dans nos relations », tempère le Breton. Et de reprendre.
« « Vis-à-vis des jeunes et des gens qui ne vous côtoient pas, en revanche, il y a une forme d’admiration qui est palpable. C’était par exemple sympa de voir certains nouveaux arriver sur le circuit et vous tenir en estime. C’est valorisant. » »
Et après ? Du doublé de Desjoyeaux au Vendée blues de Gabart
Les six rois de l’Everest des mers ont connu des destins différents. Il y a ceux qui arrêtent après leur victoire, ceux qui se concentrent sur d’autres courses, et puis les fous furieux du Vendée Globe qui remettent une pièce dans le jukebox quatre ans plus tard.
- Titouan Lamazou a mis un terme à sa carrière de navigateur professionnel en 1993, deux ans après le tout premier Vendée Globe (1990).
- Alain Gautier est venu, a vu et vaincu avant de tenter sa chance sur la Route du Rhum (deux fois 2e), la Transat Jacques Vabre et la Solitaire du Figaro.
- Psychologiquement emprunté, Christophe Auguin a mis un terme à son illustre carrière en solitaire après sa victoire sur le Vendée Globe.
- Michel Desjoyeaux en voulait plus et a décidé qu’il gagnerait deux fois la course. Record inégalé.
- Vincent Riou s’est élancé à trois reprises après son succès dès la première tentative. Inusable.
- François Gabart a connu un gros coup de blues post Vendée Globe. « Je ne sais pas si j’ai envie d’y retourner. Et je sais que tant que je n’ai pas cette envie en moi, je n’y retournerai pas », déclarait-il dans l’Express en 2013.
Economiquement : un joli coup de pouce, mais pas plus
160.000 euros. Si la prime allouée au meilleur de la flotte paraît élevée au premier abord pour le commun des mortels, elle est dérisoire pour un sportif de très haut niveau qui domine la plus prestigieuse des compétitions en voile.
« C’est un sport où on gagne bien notre vie et la prime du Vendée Globe est intéressante, mais ça ne représente pas non plus une somme colossale », confirme Vincent Riou.
Enfin, et si François Gabart est un « très bon produit marketing » de l’aveu du président du groupe Macif, rares sont les skippers capables d’avoir une valeur publicitaire sur le long terme. « Après, on peut toujours exploiter sa notoriété en multipliant les conférences », conclut le skipper sur PRB. Ou quand l’agenda d’un ex-vainqueur du Vendée Globe ressemble à celui d’un politique en bout de course.