JO 2016: Cette quatrième place, elle va te hanter toute ta vie Julian Alaphilippe
CYCLISME•Le Français avait peut-être les meilleures jambes du peloton…B.V.
De notre envoyé spécial à Rio,
« Il est jeune, il sera là dans quatre ans, il va faire une grande carrière ». Pitié, non. Pas cette fois. Ou en tout cas pas tant que la déception est aussi grande. Et puis on le sait déjà depuis longtemps, que Julian Alaphilippe est un immense talent. Mais là, il a raté une chance unique de claquer la première médaille de ces Jeux pour la France et accessoirement la plus belle victoire de sa carrière. Parce qu’objectivement, il avait l’or olympique dans les jambes.
Evidemment, nos collègues italiens pourront sans doute écrire des propos encore plus forts pour Vincenzo Nibali, tombé dans la dernière descente alors qu’il était en tête. Mais Alaphilippe revenait comme une balle sur lui, avec quelques autres, et aurait sans doute été à la bagarre au sprint avec le nouveau champion olympique Greg Van Avermaet si un petit groupe s’était reformé juste avant la sublime arrivée sur le bord de mer de Copacabana.
Sauf qu’Alaphilippe lui-même a chuté, deux virages après l’Italien. Tout droit dans un arbre. Pas bien méchant, mais juste ce qu’il faut pour perdre un peu de temps, abimer son vélo et laisser Van Avermaet et Fuglsang filer pour reprendre Majka. Course perdue pour le Français, qui ne reprendra jamais le trio. Et si officiellement, Alaphilippe « n’a pas de regrets par ce qu’il a tout donné », nous on s’autorise à en avoir pour lui.
Parce qu’en dehors de cette chute, la sélection française a aussi perdu tactiquement. Petit flashback de la conférence de presse au club France tenue jeudi, dont on avait retenu trois phrases de Romain Bardet:
- « Il n’y aura pas forcément de leader désigné. Ce serait une erreur car on a tous des qualités différentes »
- « On fait partie de ces équipes où il y a interdiction de rater cette échappée. On est une équipe de quatre coureurs d’une valeur proche pour qui des chances de médailles sont possibles. On doit privilégier le mouvement. »
- « La clé de la réussite de cette course, et pas seulement pour nous, va être cette capacité à se sacrifier et à faire abstraction des ambitions personnelles pour qu’il y en ait un seul qui monte sur le podium. »
Et voilà ce que tout ça a donné :
- Dans une course totalement « anarchique », dixit Américain Bookwalter, peut-être aurait-il été justement judicieux de faire d’Alaphilippe la carte maitresse des Bleus. Surtout que Romain Bardet était un peu malade et à compris très vite que ne ce serait pas son jour.
- Les Bleus ont pourtant raté les deux bons coups. Le premier contre lancé par Van Avermaet (futur vainqueur, Henao ou Geraint Thomas, à 70 kilomètres de l’arrivée. Et surtout, à 37 bornes, la double attaque des Italiens Aru et Nibali dans la descente dangereuse de la Vista Chinesa, qui a créé la vraie différence.
- Le résultat de tout ça, c’est que comme l’Espagne ou Chris Froome, les Bleus ont été piégés et se sont retrouvés dans l’urgence, quasiment une minute derrière le groupe Nibali. Mais si on a vu Valverde se sacrifier pour tenter de ramener Rodriguez, ni Bardet ni Vuillermoz se sont « sacrifiés » pour jouer la carte Alaphilippe. Vuillermoz est d’ailleurs parti dans la dernière ascension avant de se garer au bout de 500 mètres, quand Bardet a tenté en vain de prendre la roue de Froome sur le démarrage de l’Anglais.
Les Bleus ont-ils subi/raté la course ? La question d’un collègue en zone mixte a très franchement irrité le sélectionneur, Bernard Bourreau. Mais pourtant, c’est bien tout seul et comme un grand qu’Alaphilippe a rattrapé puis déposé Froome (!) avant de quasiment reprendre 45 secondes sur les hommes de tête. Absolument exceptionnel, et sans doute la confirmation qu’il était l’un des plus forts (le ?).
Sauf que tout ça, Alaphilippe a fini par les payer dans les derniers kilomètres. En manquant peut-être un peu de jus, mais surtout parce que s'il (et l'équipe) avait été dans le bon coup, il n'aurait pas eu à faire la descente comme un petit foufou - et donc se foutre en l'air - pour rattraper son retard. «Je n'étais certainement pas le plus fort aujourd'hui, mais c'est ça qui est bien en vélo, parfois la tactique et la chance ont une part importante», souriait d'ailleurs Van Avermaet en conférence de presse. Juste histoire de nous faire rager un peu plus. Merci Greg.