Coupe du monde de rugby: Mais que se passe-t-il sous une mêlée au juste?
RUGBY•C'est l'un des mystères de ce sport...Romain Baheux
«Une mêlée, c’est presque comme un supermarché, on y trouve de tout… », lâche Franck Tournaire en se marrant. Rien de personnel. Le rire de l’ancien pilier, 49 sélections en équipe de France de rugby, ne se veut absolument pas moqueur. Il résonne comme celui de l’averti, à l’aise pour disséquer les petits trucs des mêlées de la Coupe du monde, organisée par l’Angleterre et le pays de Galles jusqu’au 31 octobre.
C’est simple : ceux qui n’ont pas fourré le nez dans cet amas de seize corps n’ont pas le privilège de connaître les détails de ses empoignades. « Ça intrigue toujours les gens extérieurs à ce sport, note Didier Rétière, ex-entraîneur des avants du XV de France (2007-2011). Ils sont curieux de savoir ce que font ces surhommes entre eux. »
Mais que trouve-t-on alors ? Du coup de poing vicieux expédié en douce à la droite plus violente en passant par la charge sur l’épaule faible de l’adversaire, on déconseille la zone aux douillets. Ça frappe et fort. En première ligne, on s’échange les techniques de génération en génération. Certains deviennent des références de la vilaine et réputée fourchette, popularisée par le pilier tricolore Jean-Pierre Garuet lors du Tournoi des Cinq nations 1984.
D’autres n’ont pas d’égal pour bloquer la respiration de l’adversaire en coinçant la tête sous son sternum avant de lui couper le souffle en la remontant légèrement. « L’exercice nécessite de la force, de la technique mais aussi une bonne dose de vice, souligne Franck Tournaire. En général, la mêlée est également l’endroit où on s’explique après certaines actions. Ça parle aussi pas mal… »
Naturellement, les conversations n’ont rien de très philosophique même si certains ont le chic pour sortir la petite vanne bien vexante ou l’insulte ad hoc. « Les joueurs se branchent pour tenter de déstabiliser l’adversaire au maximum, raconte Didier Rétière. Les premières lignes sont très proches donc se lâchent de petites amabilités. » « Il y a les paroles mais une partie de l’intimidation s’effectue par le regard avant l’entrée de la balle, poursuit l’ancien pilier des Bleus Sylvain Marconnet. On utilise tous les leviers possibles pour prendre l’ascendant. »
A écouter les nostalgiques, la mêlée s’est pacifiée. Dans les temps bénits (ou maudits, selon le point de vue) où le rugby était moins réglementé et plus « sauvage », elle abritait des explications sévères et des coups bien plus vicieux. Des exemples ? Certains piliers s’amusaient à manger d’importantes quantités d’ail avant la rencontre pour dégoûter leur vis-à-vis en leur soufflant dans les bronches. Insupportable pour le nez mais on avait trouvé pire pour les yeux. Les « gros » s’enduisaient les mains d’une pommade chauffante avant de viser l’orbite de l’adversaire.
« Il y avait des joueurs très ingénieux, se souvient avec un petit sourire Didier Rétière. Maintenant, l’évolution de l’arbitrage sur cette phase de jeu, l’apparition de la vidéo et la mise en place de sanctions a posteriori ont changé les choses. » « Quand j’ai commencé ma carrière professionnelle en 1995, ça s’était déjà bien aseptisé, poursuit Sylvain Marconnet. Aujourd’hui, il y a une grosse partie de légende sur ce qu’il s’y passe. » Seuls les initiés peuvent en témoigner.