INTERVIEWWoodward sélectionneur? « On n’a pas de leçon à prendre, de qui que ce soit »

Woodward sélectionneur? « On n’a pas de leçon à prendre, de qui que ce soit »

INTERVIEWPierre Villepreux, ancien entraîneur du XV de France, tient absolument à ce qu'un technicien français soit nommé...
Pierre Villepreux, alors DTN du rugby français, le 19 septembre 2002.
Pierre Villepreux, alors DTN du rugby français, le 19 septembre 2002. - FRANCK FIFE / AFP
Nicolas Camus

Propos recueillis par Nicolas Camus

Un sélectionneur étranger à la tête du XV de France ? Cette possibilité, révélée par L’Equipe ce lundi matin avec la candidature de l’Anglais Clive Woodward, fait bondir Pierre Villepreux. L’ancien entraîneur des Bleus estime que le rugby français recèle toutes les compétences nécessaires pour assurer avec succès l’après Saint-André, à partir d’octobre.

Pensez-vous que nommer un sélectionneur étranger serait une bonne idée ?

Je ne pense absolument pas que la Fédération ait besoin de se tourner vers des techniciens étrangers. On a des compétences, en France, il suffit de les utiliser. Au-delà des compétences de Woodward ou d’autres, qui sont reconnues, je ne vois pas du tout pourquoi on irait chercher ailleurs ce que l’on a sur place.

Quand vous dites au-delà des compétences, vous pensez à l’aspect culturel ?

Je pense à tous les niveaux. La France n’est pas une nation mineure du rugby. On n’a pas de leçon à prendre, de qui que ce soit. On a notre propre méthode de formation, on a des résultats convenables dans les compétitions européennes et même mondiales puisqu’on a tout de même fait trois finales de Coupe du monde, il n’y a pas beaucoup de nations qui peuvent en dire autant. Sincèrement, je ne vois pas pourquoi on irait prendre Woodward. Je le connais bien, je reconnais sa compétence, mais ce n’est pas un entraîneur, c’est un vrai manager. Qui peut l’être dans toutes sortes d’institutions, pas seulement en rugby.

Il a été tout de même été champion du monde et a gagné des Tournois. Ne serait-ce pas une bonne chose de bénéficier de son expérience ?

C’est vrai, mais en France, vous pouvez en trouver des gens capables de gagner ou au moins de rivaliser pour être champion du monde. Sa coupe du monde [2003], Woodward, il la gagne sur un drop de Wilkinson à la dernière minute. En sport, il faut aussi savoir relativiser les performances.

Vous êtes plutôt partisan d’un Guy Noves, alors ?

Je ne suis soutiens personne, je suis juste partisan d’un principe fondamental, à savoir respecter les compétences et les valeurs qui sont les nôtres au niveau français. Nos dirigeants peuvent mettre Novès ou un autre, mais moi je resterais sur un entraîneur français.

Quelques nations ont fait le choix d’un entraîneur étranger, mais jamais la France ni l’Angleterre. Ce n’est pas un hasard selon vous ?

Je ne sais pas… Quels pays de très haut niveau ont fait ce choix ? Je n’en vois aucun.

Des nations comme l’Irlande, l’Italie ou le pays de Galles par exemple…

Oui mais pour le pays de Galles et l’Irlande, c’était des sélectionneurs culturellement proches [les Néo-Zélandais Graham Henry, Warren Gatland ou Joe Schmidt]. Mais sinon, les Néo-Zélandais ont toujours pris un Néo-Zélandais, pareil pour les Australiens, sauf une fois avec Deans. Mais là encore, c’était la même culture.

Ne serait-ce pas le moment de tenter quelque chose de nouveau pour les Bleus ?

Non, pour moi faire appel à quelqu’un de l’extérieur serait reconnaître qu’on se met à la hauteur de pays en voie de développement, et ça, ça ne me convient pas du tout.

Des pays de voie de développement ? C’est-à-dire ?

L’IRB [la Fédération internationale de rugby] aide les plus petites nations. Elle les aide à fonctionner à tous les niveaux, et envoie, ou au moins suggère, des techniciens. C’est le cas de la Géorgie, des Fidji, des Samoa par exemple. Les entraîneurs sont donc un peu téléguidés par la Fédération internationale car ces pays manquent de moyens. Et ce n’est pas le cas de la France. On a quand même de quoi faire !