Dopage dans le rugby: «Ce n'est pas une charge anti-rugby» promet Pierre Ballester
DOPAGE•Pierre Ballester, auteur d'un livre sur le dopage dans le rugby, s'explique...A.M. avec AFP
Le livre «Rugby à charges, l'enquête choc» (ed. La Martinière), paru jeudi, est «un avertisseur» pour «sauver le soldat rugby», menacé par le dopage, et non une «charge» contre ce sport, selon son auteur, Pierre Ballester.
Votre livre sort moins de deux ans après votre renvoi de la Fédération françaises de rugby. Certains parlent de vengeance...
C'est faux, car j'avais déjà engagé ma réflexion au printemps 2013, après la commission sénatoriale (sur le dopage), alors que j'étais encore à la Fédération (comme prestataire, pour la revue fédérale, avant d'être remercié à l'automne suivant). Jusqu'alors, je faisais mes bouquins sur le dopage dans le vélo, et je dissociais: le rugby c'est pour le plaisir. S'il y a du dopage, je ne veux pas savoir. Mais cette commission a réactivé mon questionnement de journaliste. Une fois que je n'étais plus lié avec la Fédération, je me suis dit allons-y.
Justement, n'avez-vous donc vu aucune pratique dopante pendant près de 15 ans à la FFR, alors que vous étiez au contact des Bleus?
Si vous le dites...
Mais alors vous l'auriez écrit...
(Silence) c'est un peu compliqué. Je sais des choses, que je n'ai pas voulu utiliser par empathie pour certains interlocuteurs, pour ne pas les foutre dans la merde car ils sont à des postes sensibles. Mais oui, j'ai appris des trucs.
Croyez-vous en l'existence de systèmes de dopage organisé dans le rugby?
J'aurais tendance à penser que non. Les démarches sont encore individualisées, mais si on n'y prend garde, ça peut faire tâche d'huile. Ce livre est un avertisseur, pas une charge anti-rugby. C'est pour sauver le soldat rugby. Mais pour l'instant ils (les instances) le prennent comme un coup de klaxon agressif. Je ne suis qu'un petit journaliste artisanal, je n'ai pas de pouvoir de décision. Je veux alerter, rien de plus.
Auriez-vous aimé aller plus loin?
Bien sûr. Une enquête est toujours frustrante car tu lèves le voile sur 15-20-30 ou 50% des choses. Tu ne vas jamais au bout. Et le facteur temps joue, alors que fouiller un terrain inexploré peut prendre du temps.
Auriez-vous aimé creuser par exemple certaines pratiques au Stade Français à la fin des années 1990-début des années 2000, que vous évoquez?
5% du bouquin a été enlevé après relecture juridique. Cela m'emmerde, mais je m'incline devant cette autorité.
L'un des passages est consacré au XV de France dans les années 80, qui aurait carburé aux amphétamines selon le Dr Jacques Mombet, que vous citez. Or, plusieurs joueurs de l'époque disent ne jamais l'avoir vu à leurs côtés...
Il était de temps en temps le médecin de l'équipe de France, en remplacement de Jean Pène (aujourd'hui décédé), et il était le médecin de l'équipe de France B. Or, à l'époque, les équipes de France A et B jouaient le même week-end, au même endroit, partageaient le même hôtel et la même salle de repas. Donc, il a vu. Et il a échangé avec Jean Pène, qui a d'ailleurs dit en janvier 2001 dans Midi Olympique: "Les doses que je donne de Captagon (des amphétamines) ne sont pas en quantité suffisante pour être considéré comme du dopage." Cela veut dire qu'il faudrait casser le cachet en quatre pour que ce ne soit pas considéré comme du dopage? Qu'on ne me prenne pas pour une bille.
On vous accuse également de collecter des témoignages divers sans apporter de preuves...
Il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. La preuve c'est quoi? Une photo noir sur blanc d'une transfusion sanguine d'un joueur de l'équipe de France? Effectivement, je ne l'ai pas. Quand on me dit que ce ne sont que des faits éparses... C'est une reconstitution d'un bout du puzzle, sur 50 ans. Mis bout à bout, cette lecture est-elle effrayante ou non? Pose-t-elle question ou non? Est-ce un tissu de conneries ou non? Si on rassemble les pièces du puzzle, on s'aperçoit que... Je n'avais pas fait mieux pour (Lance) Armstrong (sur qui il a écrit plusieurs livres). Je n'avais pas Armstrong avec une perfusion dans le bras. Mais l'agrégation de faits et témoignages donne une photographie. Mon ambition s'arrête là.