Un ancien docteur du XV de France dénonce le dopage chez les Bleus
TOURNOI DES VI NATIONS•«L'Express» s'est procuré les bonnes feuilles d'une enquête à paraître de Pierre Ballester, journaliste spécialiste de la lutte contre le dopage...J.L.
Après avoir aidé à déboulonner le mythe Lance Armstrong dans L.A. confidential, Pierre Ballester, journaliste-enquêteur spécialiste de la lutte antidopage, s'attaque au rugby. Dans son ouvrage à paraître le 5 mars, Rugby à Charges, dont l'Express publie les bonnes feuilles, il dénonce les pratiques douteuses avec l'aide, entre autres, d'un ancien médecin du XV de France, Jacques Mombet, qui a officié entre 1975 et 1995. Extraits.
Les années 80 et les cachets d'amphétamines dans les assiettes
Quand il entre en fonction dans les années 60, Mombet, en charge dans un premier temps des joueurs du grand Agen, assiste à l'arrivée des amphétamines, qu'on retrouve jusque dans les menus d'avant-match. «Comme c'était généralisé, je l'ai vu en équipe de France. Ils avaient chacun leur pilule devant leur assiette lors du repas d'avant match. En fait, ça dépendait des matchs et de leurs circonstances. Si la rencontre était importante, s'il y avait une revanche à prendre». Par exemple lors du deuxième test-match contre les All Blacks en 86, à Nantes, après lequel les dirigeants néo-zélandais se seraient officiellement émus auprès de l'IRB, surpris par la métamorphose soudaine de leur adversaire.
Les années 90 et les ordonnances bidons des médecins
Avec la professionnalisation du rugby, le dopage légal, si monte aussi en gamme, parfois organisé et couvert par les médecins eux-mêmes. Le docteur Mombet cite l'exemple du fameux match contre l'Afrique du Sud en 1997, largement perdu par le XV de France. «Dans les heures qui précédaient la rencontre, il était question de contrôles antidopage et cette indiscrétion était revenue aux oreilles du staff sud-africain. Une heure environ avant le coup d'envoi, leur médecin m'accoste dans les couloirs des vestiaires. Il sort alors de sa mallette une liasse de papiers. C'était des ordonnances motivées. Il y en avait une grosse dizaine l'époque, les autorisations d'usage à des fins thérapeutiques n'existaient pas et les médecins pouvaient alors prescrire ces ordonnances motivées pour authentifier le recours à des produits interdits (ici de l'EPO). Je n'en ai jamais vu autant».